Chapitre 2

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Si nos provisions étaient assez grandes pour toute une journée, on passait des heures et des heures ici à discuter de tout et n'importe quoi. Parfois on chantait aussi, même si nos voix n'étaient pas des plus angéliques, ça nous faisait du bien. Dans des moments comme celui-ci, j'essayais d'imaginer ma vie autrement. Et à chaque fois, je revenais à la même conclusion. Je ne me voyais plus aux bras de mon beau-père, parce qu'inconsciemment je savais qu'il ne portait pas la même affection que j'avais pour lui. S'il me demandait de revenir, je dirais non. Ou alors je le ferais, mais simplement pour revoir mes deux demi-frères. Ils me manquaient vraiment beaucoup.

Cette vie dépourvue de toutes actions matérielles changeait notre esprit, nous rendait plus forts. On avait acquis une liberté inversée. Autour de nous, tout le monde était protégé, mais le jour où ce ne sera plus le cas, ils plongeront dans le plus grand des trous noirs. La protection est le pilier de l'être-humain, bien qu'elle soit nuisible. Je ne dis pas qu'être foutue dehors avec deux sacs à dos sur les épaules fut la meilleure définition du mot "liberté", mais disons que ça en faisait partie.

Je prenais la grosse tête, comme toujours, à essayer de me convaincre qu'il valait mieux être seule que mal accompagnée. J'en avais besoin, de cette maudite protection.

« A quoi tu penses ? Questionna Ethan, s'apercevant que je m'étais arrêtée de chanter.

-Au monde qui nous entoure. Répondis-je. »

Il hocha doucement la tête, signe qu'il avait compris globalement de quoi je voulais parler. Ce n'était pas compliqué, puisqu'on en discutait régulièrement. Je savais qu'il n'avait pas envie de rétorquer, parce que j'allais argumenter jusqu'à n'en plus finir. Mauvaise solution.

« J'ai l'impression que plus on vient ici, plus tu déprimes. On va faire un tour en ville ? Proposa-t-il en se levant.

-Le centre me déprime encore plus que cette forêt. »

J'attrapai la main qu'il me tendait afin de me remettre sur pieds. Je me rendis compte à cet instant que je n'avais pas retiré mes chaussures et que maintenant, elles étaient trempées. J'haussai les sourcils, mais à vrai dire, c'était l'une des dernières choses qui m'importait. On se mit ensuite à marcher pour rejoindre la rue principale de Bruxelles. Il était maintenant treize heures et elle grondait de monde. Une jeune femme perchée sur ses hauts talons s'arrêta devant nous pour nous dévisager. Je l'examinai un instant. Pantalon en cuir, chemisette à rayures et téléphone dernier cri.

Encore une gosse de riche.

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