Son comportement à la soirée attisé une curiosité chez moi que je ne m'explique pas. Je n'arrive plus à la regarder comme avant. Je ne l'apprécie toujours pas. Elle m'exaspère toujours autant et notre communication reste lamentable malgré nos efforts. Mais je ne peux m'empêcher de la trouver plus... humaine. Pas parce qu'elle a embrassé une autre fille, non, mais pour tout le reste. Pour toutes les intentions que je lui ai prêtées, pour les étiquettes que je lui ai collées. Dans mon esprit, elle n'était rien de plus qu'un soda pétillant qu'on aurait trop secoué et qui s'éparpillait dans tous les sens, et je ne faisais que renforcer cette vision, car je ne pouvais pas la supporter. Comme si j'avais peur de pouvoir changer d'avis et m'attacher finalement à elle. Ce qui n'a absolument aucun sens pour moi.

Avouer qu'elle pouvait être autre chose que la manière dont je la percevais revenait à admettre que rien n'est jamais tout noir ou tout blanc, y compris dans sa personnalité. Et c'est exactement ce qu'il se passe maintenant. Elle continue à me taper sur le système, mais je ne peux plus ignorer les éclats d'âmes que j'ai aperçus. Son trop plein d'alcool qui avait l'air de cacher quelque chose, ses déguisements qu'elle semble porter comme un fardeau, et ses contradictions qui la rendent mystérieuse, intrigante. Humaine. C'est-à-dire qui vaut le coup qu'on s'y intéresse.

– Je vois bien que ton regard sur elle est en train de changer, me signale Betty alors que nous sommes toutes deux installées sur le canapé moelleux de la salle de pause.

J'ai envie de rétorquer en hurlant que ça n'arrivera jamais, mais je sais que c'est faux. Betty a raison, pourtant je ne parviens pas à être à l'aise avec cette idée. Je crois qu'au fond de moi, deux sentiments se battent en duel concernant Chloé. L'instinct irraisonné de rester aussi loin d'elle que d'une grenade, et l'envie irrépressible de creuser le plus profondément possible pour savoir ce qui se cache en elle.

– Honnêtement, je n'en sais rien, je ne sais pas quoi penser de cette fille... Elle a l'air complètement cramée. Clown dans la vraie vie et grimoire scellé au boulot.

– Ça t'embêterait qu'elle soit avec Adeline ? enchaîne-t-elle sans transition.

– Ben non, pourquoi ? objecté-je, étonnée de cette question.

– Moi je la trouve jolie, Chloé. Je ne dirais pas non si elle me proposait.

– Je ne suis pas sûre que les relations d'un soir soient son truc, dis-je en m'esclaffant.

– Pourquoi pas ? Elle a bien l'air de papillonner.

– C'est vrai... Mais je ne sais pas. Elle semble mettre beaucoup de passion dans un peu tout.

– Elle peut mettre beaucoup de passion dans une nuit, aussi, rétorque-t-elle en haussant un sourcil.

À ses paroles, des flashs de nos ébats partagés me reviennent, mais je m'efforce de les repousser et de masquer ma gêne. Je ne tiens pas à ce que Betty soit au courant de ces frasques.

– Mais dis-donc, rétorque-t-elle, ça sonne presque comme un compliment ! Charly Sanders serait-elle en train d'apprivoiser l'énigmatique Chloé Matteson ?

– Pas vraiment, non. Mais je ne suis pas sans cœur non plus, je sens bien qu'il y a quelque chose qui cloche chez elle.

Ayant été témoin de son comportement à la soirée de Pauline, j'avais surtout l'impression de voir un vieux bateau attaqué de toutes parts s'échouer vainement sur la plage pour lâcher son dernier souffle. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans la vie de Chloé en ce moment, et seule ma curiosité maladive parle, mais c'est comme si j'assistais à sa lente chute vers les abîmes.

– Laisse-la gérer. C'est une grande fille.

– Un peu comme toi ! lancé-je, avec un sourire charmeur.

– Oh non ! répond-elle en fronçant les sourcils, moi je suis une grande enfant !

– Une grande enfant qui maltraite les émotions de ses prétendants ?

Elle m'enlace en se collant contre moi.

– Ça t'en bouche un coin que tout le monde ne tombe pas immédiatement dans ton lit hein ! me susurre-t-elle au creux du cou avant d'y déposer un petit baiser.

Je la repousse gentiment en rigolant.

– Ça m'en boucherait un coin si tu n'en étais pas au même point que moi, ma belle !

Betty affiche une moue boudeuse et fait nonchalamment courir ses doigts sur ma cuisse en soupirant.

– Disons que je ne m'attendais pas à ce qu'un coup de foudre amical se mette au milieu. Cela ne fait pas longtemps qu'on se connaît, mais il y a cette sorte d'évidence avec toi. Je me sens parfaitement à l'aise, et malgré le désir qui nous a traversé au début, je ne parviens plus à te voir de cette manière.

Ses paroles auraient sûrement pu être vexantes si je ne ressentais pas exactement la même chose. Mais elle a une bien meilleure aisance que moi pour partager ses émotions, alors je me contente de tabler sur l'humour. Ma meilleure arme pour rejeter ma vulnérabilité, aussi positive puisse-t-elle être.

– En même temps, si c'est au profit d'un tel coup de foudre amical, ce n'est pas pour me déplaire. C'est carrément plus intéressant ! Et puis, il fallait bien que quelque chose s'en mêle, on aurait été trop explosives toutes les deux, tu comprends, statué-je, pince-sans-rire. Le destin devait nous stopper, sinon le monde serait devenu aveugle face à tant d'intensité et d'éclat.

Je hausse les épaules enlevant les bras d'un air faussement défaitiste et nous explosons de rire,partageant volontiers la folie qui nous lie. 

*******

Hello !

Finalement, j'ai eu un peu de temps pour poster, et je pense que le chapitre 11 pourra arriver demain soir :)

Que pensez-vous des personnages ? L'histoire vous plaît toujours ?

À demain et bon week-end !

xx

Victoria

Hating, Craving, FallingWhere stories live. Discover now