Quand j'ai réalisé que mon cerveau conditionné accordait une confiance aveugle à ce type de jugements arbitraires, j'ai commencé à travailler sur ma propension à juger tout le monde trop vite. Je ne voulais plus m'attacher à ma première impression. J'ai alors remarqué que sous son apparence délurée et extravertie, elle ne semblait pas tellement à l'aise dans ses fringues. Mais le mal était fait, et chassez le naturel il revient au galop ! Les soirées ont passé et notre relation n'a jamais dépassé ce stade. Son comportement n'aurait en aucun cas été compatible avec ma personnalité de toute façon.

Racines aux pieds, nuages dans la tête, mes amis me décrivent comme le portrait du naturel. Une bourrasque de fraîcheur dans un tableau de calme plat. Celle que tu aimes à la folie ou que tu laisses sur le bas-côté, sans regret.

– Je peux comprendre que ça ait été ta première réaction. Vous êtes tellement opposées à ce niveau-là. J'aurais plutôt tendance à te définir comme une force tranquille. Même quand tu mets le bazar avec un sourire angélique c'est pour réconforter les personnes que tu aimes ou pour les faire rire. Donc le contraste est assez saisissant, c'est vrai.

Ses paroles me font sourire. La seule autre personne me connaissant aussi bien que moi est ma meilleure amie, et c'est agréable de l'entendre parler de moi de la sorte.

– Le truc c'est que je n'ose même plus la regarder en face. Déjà que je ne l'apprécie pas franchement, maintenant je dois porter la culpabilité d'avoir oublié notre partie de jambes en l'air et de l'avoir ghostée... Autant dire que dans l'immédiat, la perspective de bosser avec elle ne m'enchante pas vraiment.

Pauline n'a pas le temps de me répondre que j'entends mes collègues quitter la salle de réunion. Je raccroche et les rejoins rapidement, mais n'aperçois pas Chloé parmi eux. Elle apparaît quelques minutes plus tard derrière moi après avoir vérifié que tout assistant possède son référent. Je remarque alors que sa tenue est des plus pondérées. Un T-shirt vert kaki un peu trop ample pour elle tombe délicatement sur le jean délavé qui met en valeur ses courbes ; dynamique sans une once de vulgarité. L'ensemble crée un style plutôt sympa, collant à l'esprit de la boîte. Rien à voir avec les tenues qu'elle porte habituellement, et je me demande d'où vient ce contraste.

Quand les binômes se dispersent, elle me fait signe de la suivre.

Putain, je déteste l'idée d'avoir à lui obéir ! Quelle merde !

Elle me guide vers le hall où le planning est affiché chaque semaine. Un nouveau client nous attend dans une heure pour faire le point de sa demande avec lui. Plusieurs réunions sont réparties sur les matinées, tandis que la plupart des après-midis sont consacrées au repérage terrain et à la mise en place des évènements. La seule lecture de ce planning fait chavirer mon cœur et je sais d'ores et déjà que je vais adorer ce travail.

Des étoiles plein les yeux, j'observe le comportement de Chloé envers notre nouveau client, un prestataire d'évènements sportifs qui souhaite organiser un trail VTT à Chamonix sur toute une journée. Elle l'écoute attentivement, puis reformule sa demande pour être sûre que nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Elle prend quelques notes, pendant que j'écris le plus de chose possible pour ne rien manquer. J'ai déjà de l'expérience dans le domaine, pourtant je me sens comme une stagiaire un premier jour de boulot. Excitée, novice et volontaire. Je veux que tout soit parfait.

Après avoir discuté budget et localisation, Chloé remercie notre client de sa confiance et sort de la pièce sans un regard. Étonnée, je ne sais pas trop comment réagir. Mais mes souvenirs ma rappellent rapidement à la réalité. Peut-être ne sait-elle pas elle-même comment se comporter avec moi. Visiblement, elle a choisi de m'ignorer superbement.

À la fin de la matinée, elle m'a à peine décoché quelques rictus et ne m'a pas parlé une seule fois d'autre chose que du travail. Je pense que chaque mot qu'elle prononce compte comme une pénalité d'un euro sur son salaire.

Au moment de partir à la pause de midi, elle affiche enfin un sourire.

– Ta matinée s'est bien déroulée ? Tu n'es pas trop perdue ?

– Non, ça va, c'est très stimulant. Je suis vraiment contente d'être ici.

Elle hoche la tête quelques secondes avant de répondre froidement :

– Cool. Du coup, je vais t'épargner mon trop-plein d'excitation et te laisser patauger dans ton étroitesse d'esprit.

Ses paroles, reprenant les miennes, me donnent l'impression d'avoir été frappée par une massue. J'ai été stupide d'appeler Pauline sur mon lieu de travail, surtout pour tenir une telle conversation, mais je ne pensais pas que Chloé allait m'entendre... Et maintenant je reste muette comme une carpe sans savoir quoi dire pour me rattraper.

– Écoute, tu me laisses faire mon job et je te laisserai faire le tien. C'est aussi simple que ça. On n'a besoin de rien de plus pour se montrer efficaces. Bon appétit, Charly.

Elle saisit son sac quipendouillait dans l'entrée et s'éloigne au travers des portes vitrées, melaissant clouée au milieu du hall avec l'envie pressante de disparaître.

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Tadaaaam !

Me revoilà pour le 3ème chapitre. Pour les ancien·ne·s lecteur·rice·s, vous aurez remarqué quelques changements d'envergure... !

J'espère que votre (re)lecture vous plaît, n'hésitez pas à commenter et donner votre avis, et bien évidemment à voter si ça vous plaît :-)

Et pour me rattraper de mon absence d'hier, vous aurez le droit au Chapitre 4 dans les prochaines heures ;-)

xx

Victoria

Hating, Craving, FallingWhere stories live. Discover now