J'ignorais toutes ces informations il y a encore cinq minutes, et maintenant je vais devoir accepter de lui coller aux basques pendant les deux prochaines années. Minimum. Et il est hors de question que j'assume le fait d'avoir partagé une telle intimité avec elle. D'autant que je ne me souviens pas de la moitié de nos ébats. Je ne peux pas lui avouer ça, j'ai beaucoup trop honte. Je sens doucement l'angoisse monter en moi face à la sensation d'être bloquée dans une situation que je ne maîtrise pas.

Voyant Chloé s'éloigner pour rejoindre les autres, je prétexte un besoin pressant et m'éclipse aux toilettes. Je me rue sur mon téléphone et appelle Pauline qui sort à peine du travail. Tandis que je lui résume rapidement la situation, complètement paniquée, elle ne semble pas cerner le problème.

Cela ne ressemble en rien à la réaction que j'attendais.

– Et alors ? Elle est sympa Chloé, ce n'est pas grave.

– Déjà, je n'utiliserais clairement pas le terme « sympa » pour la décrire !

– Mais on la connaît à peine, Charly.

Elle a tout à fait raison, je ne sais rien d'elle à part son prénom, et son nom maintenant, et j'aurais aimé que ça ne change pas. Je n'ai rencontré Chloé qu'à de rares occasions. Elle s'est installée dans le hameau de Pauline pendant mon séjour à New York l'année passée. Étant la seule voisine de son âge, ma meilleure amie l'a intégré au paysage de nos soirées. Mais vu le personnage, je n'ai jamais vraiment cherché à créer du lien.

– On en sait suffisamment ! Quand elle débarque dans un endroit, elle se met à crier son excitation, saute dans les bras de tout le monde puis attrape la téquila pour siffler la moitié de la bouteille. Le genre sans-gêne que personne n'a réellement invitée — clairement pas moi en tout cas — sans pour autant se sentir dérangée par la situation. À côté d'elle, je suis un ange.

– Je n'irais pas jusque-là non plus, aucune situation ne peut faire de toi un ange, plaisante-t-elle, dans le combiné. Cependant, elle n'est sûrement pas que ça.

– Non, en effet ! C'est aussi une version 2.0 de Cyndi Lauper couplée à la personnification d'un portrait de Picasso. Tu te souviens de la première fois que je l'ai vue ? J'ai cru qu'elle sortait d'un spectacle de cirque. Une vraie œuvre d'art contemporain la meuf. Mais pas la belle œuvre qu'on admire, non. Plutôt une croûte dont on se demande comment elle a réussi à passer les portes d'un musée.

– Ça, c'est franchement méchant. Tu l'attaques sur son physique gratuitement, Charly.

– Pardon, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Ce n'était pas elle la croûte, c'est tout ce qu'il y avait au-dessus. Sa perruque bicolore, ses yeux entourés de cocards en poudre violets et jaunes, ses faux-cils bleu fluo... Elle aurait voulu parodier un tutoriel beauté qu'elle n'aurait pas mieux fait. Et la tenue excentrique qu'elle portait correspondait totalement au look déluré. J'ai vraiment cru que quelqu'un lui avait préparé une blague en lui annonçant une fête déguisée !

– C'est du fake tout ça. Tu ne peux pas juger quelqu'un uniquement sur ce que tu perçois.

– Je sais, mais je ne parviens pas à voir plus loin. Dès qu'elle se pointe à une de nos soirées c'est dans un accoutrement du genre. Elle est toute seule dans son délire, j'ai un peu du mal à saisir pourquoi elle fait ça... Mais bon, j'ai rapidement arrêté de me poser des questions, ce n'était pas le type de personne avec qui je développe des affinités.

– Il faut dire que votre premier échange était particulièrement étrange...

– Non, mais qui agit de cette manière ? Après avoir sauté sur les genoux de tout le monde pour leur claquer la bise, elle a bloqué sur moi, pouffé dans sa main et est partie en sens inverse, en m'ignorant. Qu'est-ce que je fais de ça, moi ? Je n'ai même pas cherché à comprendre. En vrai, j'étais surtout soulagée qu'elle m'épargne son trop-plein d'excitation et de superficialité.

Hating, Craving, FallingWhere stories live. Discover now