Chapitre 11 : Sombre eau trouble

57 6 0
                                    

Mon ventre gargouille. Je pose ma main dessus comme si ça pouvait l'apaiser. Je suis tout courbaturé, j'ai mal de partout, il fait une chaleur écrasante, l'humidité est à son comble, et la faim se fait entendre. En plus de ça, je suis certain d'être malade. J'ai envie de crier. Je suis à bout.

Eleanor me suit en titubant. Elle est dans un sale état elle aussi. C'est ça qui m'enrage le plus. Encore il n'y aurait que moi qui prendrait, ça passerait. Mais en plus de moi, le C.O.M.A. s'en prend à une jeune fille depuis qu'elle a environ treize ans ! C'est inhumain, elle ne l'a pas mérité !

Moi non plus d'ailleurs... Personne ne mérite ça... On n'a rien fait de mal... Alors pourquoi nous ?!

Je commence à m'énerver rien qu'en évoquant ce sujet dans ma tête. J'expire longuement pour me calmer. Je relève la tête. Ce paysage n'en finit plus. Une forêt tropicale, encore. Mais dans celle-ci , les cours d'eau chaude affluent. Il y a plein de sales bestioles dedans. Je continue d'avancer en soupirant d'énervement. Un moment plus tard, un petit canal tumultueux et boueux nous coupe la route. L'eau file à toute allure. Je crois que c'est un passage obligé. 

Je me retourne vers elle, et l'observe. C'est à peine si elle tient debout. Mon Dieu j'ai l'impression qu'elle va rendre l'âme. Je pose une main sur son épaule, décidé. Ses yeux clairs soulignés de cernes se lèvent vers moi. C'est dingue, même comme ça elle est magnifique.

Je ne dis rien et me contente de la soulever du sol de mes bras. Elle se débat un peu, mais finit par se laisser faire et se blottit simplement contre moi, suscitant chez moi une vague de chaleur.

Recentre-toi mon vieux ! dis-je en mon for intérieur.  

Je respire un grand coup et rentre dans l'onde tiède. Le sol de boue et de vase glisse sous mes pieds mais je continue d'avancer. L'eau m'arrive maintenant à la taille et j'arrive presque sur l'autre berge. C'est là que le sol mou s'enfonce sous mon pied et je commence à m'embourber. La rive étant à une cinquantaine de centimètres, je tends les bras dépose Eleanor sur la terre ferme. Ses yeux s'ouvrent avec peine. Elle est vraiment faible. 

J'essaie de me dégager du piège boueux, en vain. Je cherche des yeux quelque chose pour m'extirper hors de l'eau, et j'aperçois une branche sèche pas très loin. Je me penche pour la saisir, mais un bruit d'eau remuée dans mon dos m'arrête.

Je me retourne lentement, et vois un alligator nager vers moi, à moitié immergé. Je commence à paniquer. Je tente de sortir de l'eau mais n'y parviens pas. Je jette en regard furtif derrière moi et remarque que le reptile s'approche de plus en plus vite de moi. Je commence à trembler. Je n'ai rien pour me défendre. Je me penche au plus près possible de la berge, tends le bras et attrape la branche que j'ai vue tout à l'heure.

Je fais volte-face pour me retrouver nez-à-nez avec l'alligator qui ouvre alors sa gueule avant de plonger sur mon bras. J'hurle de douleur et je vois Eleanor sursauter à mon cri. L'animal tire comme un forcené, et plante plus profondément ses crocs acérés dans ma chair, dont la fontaine de sang qui en émerge teinte l'eau boueuse. Je souffre atrocement, les larmes me viennent et je serre les dents.

Je donne un coup sur la tête du reptile avec mon bâton. Bon, c'est vrai, c'était complètement inutile. Je crois même que je l'ai énervé. Il me regarde avec ses petits yeux furieux et mordille ma plaie, et finit par descendre sur mon avant-bras. Je laisse échapper un cri. J'ai l'impression que de tout ce que j'ai pu affronter, je suis dans la pire des situations. Alors que je tente désespérément de le faire lâcher prise, je vois du coin de l'œil un mouvement sur la rive derrière moi. Puis l'instant d'après, mon agresseur rugit, et libère donc mon bras sanguinolent. Je l'observe. Notre meilleure amie - à Eleanor et moi - est plantée  dans l'œil de l'alligator.

C.O.M.A.Where stories live. Discover now