C.O.M.A.

Chapitre 7 : Le cauchemar continue

Je contemple le ciel étoilé. Même si pour moi une nouvelle journée commence, c'est toujours la nuit dans le labyrinthe. Seules les plus lumineuses constellations sont visibles maintenant, comme si malgré la pénombre ambiante, une larme de lumière déchirerait la nuit, ne permettant de ne voir que les étoiles les plus proches. J'ai toujours été passionné par l'astronomie, le ciel et ses galaxies. Je me demande si Eleanor connaît aussi l'astronomie.

Je tourne la tête vers elle. Ses bras sont croisés derrière sa tête, et ses paupières sont fermées. Elle semble dormir profondément. Je souris face à son air serein. Sa poitrine se soulève en un rythme régulier. Soudain, sa poitrine se bloque alors qu'elle était en train d'expirer. Elle reste fixe. Je l'observe, dans l'attente de la voir se gonfler d'air à nouveau, mais rien ne se passe.

Pris d'un élan de stress, je m'avance d'elle à quatre-pattes, je sens mon cœur accélérer. Je pose ma main sur sa poitrine, cherchant désespérément une quelconque pulsation. Rien ne vient.

Sentant la panique me nouer la gorge, je lui pince le nez et mets mon oreille au dessus de sa bouche.

Son cœur ne bat plus, et elle ne respire pas.

Je bloque mes coudes,  joints mes mains, doigts crochetés et commence à donner des compressions sur le thorax d'Eleanor. J'ai eu la chance d'apprendre les premiers secours, dont le massage cardiaque.

Respire bordel ! Respire !

Une fois la trentième contraction établie, je m'avance vers son visage et donne deux insufflations par la bouche, puis je recommence. Quelques instants plus tard, son cœur donne enfin une pulsion contre sa cage thoracique, et ses poumons se remplissent pendant qu'elle ouvre subitement les yeux en prenant des grandes goulées d'air.

Je me laisse tomber au sol à ses côtés, soulagé mais toujours effrayé de la situation de laquelle je viens de nous sortir. Eleanor tousse à plusieurs reprises et prend une position assise.

Elle pose son regard sur moi en se tapant doucement le sternum. 

-Blake... dit-elle d'une voix étranglée.

Je braque mon regard sur elle et m'assieds sur mes genoux à mon tour, la respiration haletante.

-Blake... Que s'est-il passé...?

-Tu as arrêté de respirer d'un coup, et ton cœur s'est stoppé.

-Q-quoi ? Mais pourtant... Je croyais avoir vu...

Elle fronce les sourcils et semble chercher quelque chose dans ses souvenirs.

-Tu croyais avoir vu quoi ? je l'encourage.

-..... Rien. C'est pas important.

Elle se relève sans un mot de plus et commence à se diriger vers le portail, situé quelques mètres plus loin. Je ramasse la lame rouillée et les herbes médicinales restantes et la suis.

J'ai l'estomac dans les talons. Nous n'avons pas mangé depuis environ un jour en "temps normal". Il serait temps de retrouver quelque chose à se mettre sous la dent. Nous franchissons le portail et transplanons.

Nous arrivons dans un lieu pour le moins étrange. C'est la première fois que je vois quelque chose d'aussi beau. Nous avons atterri dans une prairie verdoyante, des arbres au tronc noueux qui portent un feuillage vert pomme et des fruits appétissants bordent une rivière turquoise. la pleine lune brille comme jamais, entourée de ses consœurs lumineuses, les étoiles. Des fleurs colorées courent à travers l'herbe de jade. 

J'écarquille les yeux comme un enfant devant ce spectacle inopiné. Je tourne machinalement la tête vers Eleanor. Elle arbore le même genre de tête que moi, les yeux grands ouverts, le visage fendu en un immense sourire.

-C'est incroyable... murmure t-elle.

Puis ça me vient soudainement à l'esprit.

-Hé... Mais si ça se trouve, on a atteint la dernière épreuve ! Peut-être que la sortie est ici ! je m'exclame.

Elle me jette un regard d'espoir, avant que son sourire ne s'efface. Elle secoue lentement la tête de gauche à droite.

-Non... Ce serait bien trop simple de s'en sortir comme ça en arrivant dans un endroit merveilleux. Non, je pense que la sortie se trouve sûrement après une grosse mise à l'épreuve.

-Si tu le dis. Enfin, ici nous avons de quoi manger et il n'y a pas de danger à l'horizon, alors je te propose une journée détente !

-Pourquoi pas. Je vais cueillir des fruits, je te rejoints à la rivière pour qu'on se baigne. dit-elle en hochant la tête.

Elle se dirige vers un arbre luxuriant de fruits rouges qui s'apparentent à des pommes. Elle en prend deux et revient vers moi tandis que j'enlève mon haut et m'assieds au bord de l'eau.

Elle me tend l'un des fruit et nous mordons dedans à pleines dents. C'est sucré, frais et fondant. Nous finissons de manger en un rien de temps. Je saute alors dans la rivière et invite Eleanor à me rejoindre. Elle rentre dans l'eau toute habillée, et je lui envoie de l'eau.

Elle fronce les sourcils se passe ses doigts à l'endroit où l'eau fraîche l'a touchée, puis retrouve son sourire et m'envoie un ras-de-marée. C'est bizarre, mais j'ai l'impression que l'onde fraîche de la rivière devient brûlante quand elle entre en contact avec ma peau. Nous nous regardons sans rien dire pendant un instant. Eleanor et moi restons sans bouger dans la fraîcheur du cours d'eau. On a compris ce qu'il se passe. Je bouge une jambe, et l'eau si fraîche m'ébouillante soudainement. Je crie. 

Tout est inversé. C'est loin d'être un paradis. Je fais signe à Eleanor que nous devrons nous dépêcher au moment de revenir sur la berge. Je respire un grand coup et je commence à courir aussi vite que je le peux dans l'eau brûlante qui me consume à chaque mouvement. Je me retourne pour voir si Eleanor me suit. Elle me talonne, mais je la vois glisser du coin de l'œil, certainement sur une pierre au fond de la rivière. Je vois la souffrance dévorer son doux visage lorsqu'elle tombe en plein dans l'eau tumultueuse. Je sursaute, je ressens déjà de la douleur pour elle. Je ne réfléchis pas et me jette dans l'eau brûlante où elle se situe et la soulève à la volée. Je me débrouille pour qu'elle ne soit pas en contact davantage avec la rivière bouillante. Je me dépêche malgré le supplice des brûlures qui me rongent d'atteindre le bord.

Je pose Eleanor sur la terre ferme avant de me hisser à mon tour sur la berge, trempé et souffrant le martyr, toutes mes blessures réanimées et la chair à vif. 

Je crois qu'elle est inconsciente. Je souffle bruyamment, je n'ai jamais été aussi mal en point. Soudain, un mal de ventre me tord les entrailles.

Le fruit.

Mon corps se convulse sous les spasmes, et je me courbe avant de rendre le fruit, probablement empoisonné. Je crachote et me laisse tomber sur le sol dur. Je suis à bout de forces. Je suis en sueurs. Mes plaies rouvertes me causent une douleur inexprimable. Je repose mon regard sur Eleanor. Elle ne bouge pas. Sa poitrine ne se soulève plus de nouveau. Je n'arrive pas à bouger, je suis incapable d'essayer de lui faire un massage cardiaque.

Bon sang, que se passe t-il avec toi aujourd'hui ?!

-Eleanor ! Eleanor ! C'est Blake, Eleanor réveille-toi ! Eleanooor !! j'hurle à m'en déchirer les cordes vocales.

Je répète sans cesse les mêmes phrases, priant pour qu'à un moment elle ouvre ses yeux clairs sur moi.

Je t'en supplie... Eleanor... J'ai besoin de toi... Reviens-moi...

Pour une raison inconnue, un larme roule sur ma joue. Puis une autre. Je serre les dents. Suis-je de nouveau seul ? Alors que je pense que tout est terminé, je vois Eleanor ouvrir subitement les yeux et suffoquer. Puis elle évacue le fruit empoisonné tout en continuant de suffoquer. Elle se laisse tomber au sol et m'observe avec une respiration saccadée. Son front est trempé. Elle s'humecte les lèvres et ferme les yeux pendant quelques secondes.

Je déglutis difficilement et peine à bouger ma main pour atteindre celle d'Eleanor. Je la saisis et la serre aussi fort que mes forces restantes me le permettent. Je sens ses doigts meurtris se refermer doucement sur ma main. Je ferme les yeux, incapable d'un moindre autre mouvement. Je sombre dans le néant.

Demain est un autre jour.