C.O.M.A.

Chapitre 9 : Nuit d'orage

Un frisson parcourt mon corps. J'ai l'impression d'avoir choppé une saleté. Je lutte pour ne pas m'écrouler sous l'effet de la fatigue en fronçant les sourcils. Une douleur subite me transperce alors la tempe. Ça va pas m'aider ça. Je regarde le paysage qui m'entoure. Une forêt. Encore et toujours des arbres. Je me relève en chancelant. De plus en plus dur de lutter.

J... Je dois... merde... Eleanor ! Où est-elle ?

Je me rends compte que je ne l'ai pas vu en ouvrant les yeux. Je la cherche de regard en regardant de tous les côtés. Je ne la trouve pas.

Non, pas maintenant... Je dois la retrouver, j'ai besoin d'elle pour... pour... J'ai juste besoin d'elle. Hein ? Non j'ai pas besoin d'elle, c'est juste que je lui ai promis de la sortir d'ici... Ouais, c'est ça...

Mon esprit est confus. Je fronce les sourcils. C'est pas le moment de penser à ça... Je dois trouver Eleanor. Il le faut. Je commence à errer dans la forêt en épluchant le paysage dans l'espoir de la trouver. Je jette un regard furtif au ciel. C'est à peine si on voit la lune. Il me semble qu'elle est pleine. Ce qui signifie qu'un mois de plus doit être passé. Depuis combien de temps je suis là ? Je secoue la tête négativement. J'ai pas le temps d'y penser. C'est comme toutes les blessures que j'endure, pas le temps d'y penser. Trouver la sortie. Y'a que ça qui compte.

Je me remets à chercher Eleanor. Au bout d'un moment, mon pied nu butte contre un rocher, et je trébuche. Je vole par dessus l'obstacle et tombe dans un fossé plein de roches et plutôt profond. Après plusieurs roulés-boulés sur la pente de la fosse - et quelques déchirures provoquées par les pointes rocheuses, je m'arrête au milieu de la cavité. Je mets un instant à reprendre mes esprits, puis je rouvre les yeux. 

J'observe les remparts de pierres en amont. Je soupire.

Mais pourquoi je me donne tant de mal ? Je pourrais juste me laisser mourir...

Je me donne une claque mentale. Je ne dois pas me mettre à penser comme ça, sinon je suis foutu ! Même si, entre nous, je pense déjà être foutu ; j'essaie de repousser cette idée au maximum. Mes jambes fléchissent mais je tiens bon. Je cherche des yeux un endroit plus facile à atteindre pour remonter, en vain. Je me retourne. Je ne bouge plus, sous le choc.

Non.

Je m'avance doucement, tremblant et stressé. Devant moi, un corps inerte en bas d'une traîne de sang qui dévale la pente. Le corps est en sale état, mutilé, ensanglanté et boueux. Je souhaite plus que tout me tromper, j'essaie de me convaincre que ce n'est pas elle, mais je reconnais cette chevelure gris-bleu, même de dos.

-Eleanor ? je demande d'une voix brisée, dans l'espoir qu'elle me réponde.

Silence.

Je pose une main moite sur son épaule tâchée de sang et de boue et la secoue d'abord lentement, puis plus précipitamment.

-Eleanor ! Eleanor ! Réveille-toi !Je t'en supplie... Ne me laisse pas...

Je retiens des larmes tant bien que mal. 

-J... j'ai besoin de toi Eleanor... Je t'en prie... reviens ! je lance dans une plainte déchirante.

Je dois en être sûr. J'attrape son visage et le tourne vers moi, en trémulation. Ses yeux sont fermés et sa bouche légèrement ouverte. Sa lèvre inférieure est coupée. Elle semble dormir. Je sais que ce n'est pas le cas, sa poitrine ne s'est pas soulevée dans un rythme régulier depuis qu je l'ai vue. Elle est là depuis quand au juste ? Si ça se trouve, j'ai juste dormi pendant très longtemps, et elle s'est faite attraper par Dieu sait quelle créature mauvaise entre temps, et ça fait des jours qu'elle a perdu la vie. Un frisson me parcourt à cette idée. Je refuse de croire qu'elle est morte, parce que c'est la plus belle personne que j'ai connu en ce monde, que c'est la seule compagnie que j'ai, parce que... parce que... parce que je l'aime ?