Chapitre 14 : Le bout du tunnel

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J'ouvre les yeux. Mon cœur se comprime. Je me rappelle d'hier. Dans ma main, la petite plume de geai que je serre. Mes joues sont encore humides. J'ai froid. Je frissonne. J'ai mal de partout. Surtout à l'intérieur. Je me lève avec difficulté. Je renifle. Je la regarde. Ça fait mal.

Je ne peux pas la laisser comme ça, à la merci des bêtes sauvages.

Je me rends compte qu'on... enfin que j'ai perdu notre lame. Je secoue la tête négativement. Je me penche sur le corps sans vie d'Eleanor. Perturbé par cette vision d'horreur, la première chose que je fais est de baisser ses paupières sur ses yeux du bout des doigts. Je dis adieu à son beau regard clair. Elle est gelée. La sensation est innommable. 

Je passe un bras derrière sa tête et l'autre sous ses genoux. Je respire un grand coup. Je la soulève du sol d'un coup. Son corps ballote dans mes bras. Et ses membres flasques pendent et suivent tous mes mouvements. Sa bouche est entrouverte.

Je me déplace avec son corps dans la forêt. J'ai l'impression que mes jambes vont lâcher et je vais m'écrouler d'une seconde à l'autre. Mes poumons sont secoués de soubresauts. Je serre les dents pour ne pas me remettre à pleurer. Je marche dans la forêt pendant des heures. J'erre dans cet endroit qui me semble soudainement si sombre.

Au bout d'un moment j'atteins la destination que j'avais en tête. La prairie. Verdoyante et constellée de fleurs de toutes sortes. J'arrive au centre du pré et dépose la défunte délicatement au sol. Je resserre ses jambes et mets de l'ordre dans ses habits. Je prends ses mains et entremêle ses doigts entre eux, avant de les poser sur son ventre. C'est là que je vois qu'elle serrait très fort la lame dans une main. Je récupère le fer. Je la regarde, le cœur gros.

C'est comme si elle dormait. Mais d'un sommeil sans fin.

Je baisse la tête et passe mon pouce sur la lame rouillée.

Je vais te rendre hommage Eleanor, toi qui m'a tout donné.

Je retourne dans la forêt à la recherche de grande branches. Je finis par en trouver, aussi j'en ramène deux auprès d'elle. Je repars en chercher des plus petites, et j'en dépose une dizaine à son chevet. Je m'assieds en tailleur près d'elle et attrape une de deux grandes branches. Je taille les deux extrémités en pointes, grâce à ma lame. Je fais la même chose à l'autre branche, ainsi qu'à toutes les autres petits bouts de bois mort.

J'enfonce d'un geste brusque toutes mes petits rameaux autour d'elle. Ils forment un cercle fermé mais large parfait. Je saisis la plus petite de mes grosses boutures et en épluche une face de manière à ce qu'il y ai plus d'écorce de ce côté-là. Je grave ensuite, en lettres majuscules :


ELEANOR COOPER, N°398. FEMME LIBRE.


Je me coupe le pouce droit en dérapant sur dernière lettre. J'aurais pu crier, mais je me l'interdis. Je n'ai pas de droit de me plaindre alors qu'elle est partie pour de bon. Moi, j'ai la chance d'être encore en vie.

Finalement, je forme une croix avec mes branches, celle gravée par dessus. Maintenant, j'ignore comment je vais faire tenir ça. Je décide de sacrifier ma lame. Notre lame. J'ajuste bien la position de la branche gravée sur l'autre, pour qu'elles soient bien perpendiculaires. Et j'enfonce ma lame d'un coup sec à l'intersection. Entre deux chiffres. Entre le 9 et le 8. Mon sang coule un peu de la lame, et il longe ma croix improvisée.

Je saisis cette dernière et la plante dans l'herbe verbe, à quelques centimètres du haut du crâne de la morte. J'observe ma tombe improvisée. Il manque quelque chose. C'est triste et funèbre, alors qu'elle était une personne vive et joyeuse. 

C.O.M.A.जहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें