Chapitre 8 : À feu et à sang

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Je passe une main tremblante sur les brûlures de mes jambe. Une larme dégringole sur ma joue. La douleur est insupportable. Je n'en peux plus. Je vais devenir fou si ça continue. Eleanor ne connaît même pas d'herbe médicinale contre les brûlures. Je me lève péniblement, bouger est une véritable épreuve, et je lutte pour ne pas m'effondrer. Je tends ma main toujours tremblante vers Eleanor, qui est affaissée, les yeux dans le vague.

Elle sait que c'est à cause d'elle si mes jambes sont aussi meurtries. Elle sait qu'elle a encore fait un arrêt cardiaque hier, dans l'eau, et que je me suis sacrifié pour la récupérer. Elle sait que j'aurais pu la laisser là, et m'enfuir pour sauver ma peau. Mais je ne l'ai pas fait. Alors elle culpabilise. Je lui ai déjà répété que je vais m'en sortir, mais elle ne semble pas croire une seconde mes paroles.

Si c'était elle qui m'avait sauvé et que je me comportais comme elle, je lui aurai certainement donné une baffe pour être aussi têtue. Comme elle a fait la dernière fois. Mais je ne peux pas me permettre de la frapper, donc je ne l'ai pas fait. C'est ce que je lui ai dit. J'espère que ça l'a fait réfléchir.

Je tends donc ma main vers elle, et elle la saisit, toujours les yeux dans le vague. Je l'aide à se lever. Je lui pointe la direction du portail, je me suis repéré grâce aux étoiles. Nous l'atteignons, nous transplanons.


Nous sommes au milieu d'un endroit aride, recouvert de paille sèche dans certains coins. Je distingue des arbres morts dont les feuilles sont déshydratées au loin. Je devine qu'ici encore ce sont les catastrophes naturelles qui vont s'abattre nous.

Il faut partir. Rejoindre le prochain portail le plus rapidement possible. Nous commençons à marcher sans un mot. Au bout d'un moment, un fracas énorme me transperce les tympans et je vois un éclair courbé danser dans le ciel avant de frapper la forêt d'arbres morts devant nous. Tout prend feu instantanément tandis que le tonnerre gronde furieusement. Je vois Eleanor sursauter du coin de l'œil. 

Elle commence à reculer, et elle déglutis avant de commencer à respirer bruyamment.

-Viens ! On a pas de temps à perdre, il faut rejoindre le portail, et c'est dans cette direction !

Elle secoue négativement la tête, une lueur de panique dans les yeux, avant de tirer mon bras en arrière.

Un arbre enflammé s'écroule dans un bruit effroyable.

Je braque à nouveau mon regard sur elle, insistant. Elle me fait clairement comprendre qu'elle n'a pas l'intention de venir. Tant pis. Je dois le faire. Je vais lui donner un électrochoc. Elle doit comprendre que ce n'est pas une question d'envie.

-Très bien. Reste ici si tu veux, moi j'y vais. je déclare fermement.

Je me dégage sèchement de sa main, même si ça me fait mal quelque part de lui faire ça. Je détourne le regard et j'avance d'un pas qui se veut assuré vers le Nord.

-Non ! Non ! Ne pars pas Blake, reste avec moi ! crie t-elle en sanglotant.

Elle s'accroche à moi et se colle à mon dos. Elle est secouée de soubresauts à cause de ses pleurs incessants. Je ne cherche pas à la regarder et tente de continuer ma route sans réponse.

-Je t'en supplie arrête ! Blake ! Ne me laisse pas toute seule !

Je plante mon regard dans le sien. Il est inondé de larmes et luit de terreur. Je soupire et je saisis ses épaules.

-Eleanor, on a pas le choix. Il faut avancer. Je comprends que tu aies peur, mais là, si on n'avance pas, on meurt ! Tu t'en rends comptes au moins ? Alors maintenant, c'est soit tu te replies et reste ici toute seule, soit tu viens avec moi et on atteint le portail.

Elle inspire bruyamment, ferme les yeux et les rouvre un instant plus tard, plein de larmes. Elle hoche la tête.

-D'accord. Allons-y. dit-elle d'une voix brisée.

J'attrape sa main pour la mettre en confiance et je continue d'avancer.

Nous contournons précautionneusement le feu qui se propage à une vitesse incroyable à notre droite. Nous le dépassons, et j'entends Eleanor soupirer de soulagement en serrant ma main plus fort. Pour une raison qui m'échappe, je ressens une décharge lorsqu'elle la presse davantage. Je fronce les sourcils et secoue la tête comme pour désapprouver mes sensations.

Reste concentré Blake.

Alors que nous atteignons presque le portail aperçu au loin, un arbre de feu s'étend devant nous et nous barre la route en un fracas assourdissant. Eleanor crie, je sursaute. Je me retourne brutalement vers elle et la regarde. Elle est paniquée. Je me mets à sa hauteur - car oui je la dépasse quand même de plus d'une demi-tête , et saisis ses épaules en la forçant à me regarder dans les yeux.

-Écoute Eleanor, là on a vraiment pas le choix. Dès que je te le dis, il faut qu'on parte en courant et qu'on saute par dessus le tronc de l'arbre, sinon le feu nous gagnera avant qu'on finisse de faire le tour, et on sera fichu.

Je vois la terreur incarner son âme entière, mais même malgré les soubresauts qui la secouent à cause de ses pleurs, elle hoche la tête.

Je caresse brièvement ses cheveux avant de serrer encore plus sa main, provoquant des picotements dans tout mon corps, chose que je ne comprends pas.

Je souffle. Elle attend mon signal. J'observe un instant les flammes qui dansent sur notre passage. On doit se dépêcher.

-Maintenant ! j'hurle.

Je pique un sprint en entraînant Eleanor. L'obstacle se rapproche de plus en plus de nous. Trois mètres, deux mètres, un mètre. Je bande mes muscles et pousse sur mes jambes avec le plus de puissance possible. Les flammes me lèchent les jambes lorsque je passe au dessus, et mes douleurs se ravivent. Je serre les dents, j'atterris lourdement de l'autre côté du tronc d'arbre et fais plusieurs roulés-boulés avant de m'arrêter sur le sol dur. Je sens un vide. Je remarque que je ne tiens plus la main d'Eleanor.

Je me relève aussitôt la cherchant, des yeux, ignorant le douleur, les courbatures et la fatigue. Elle est couchée sur le ventre quelques mètres plus loin. Elle me tourne le dos. Je m'approche d'elle et la secoue légèrement. Elle se lève en sursaut, toujours en panique. Je lui indique du menton le portail. Elle ne prend même pas la peine de me répondre. Elle attrape mon bras et m'entraîne vers le portail qu'elle franchit d'un saut. Je la suis de près. Nous transplanons.

J'heurte le sol, complètement sonné. Mes yeux se ferment d'eux-mêmes. Je ne sais même pas où nous sommes. Je sombre dans le néant.

Demain est un autre jour.

C.O.M.A.Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum