Chapitre 2 : Marécage lugubre

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Je me réveille avec peine. J'ouvre les yeux sur le décor sombre et froid de la forêt d'hier. Il fait encore nuit. C'est toujours la nuit. Jusqu'à ce que je trouve la sortie, la nuit régnera éternellement. J'étire mes muscles engourdis. Je finis par décider de descendre de mon arbre. Je m'agrippe à l'écorce et descends centimètre par centimètre. Je touche enfin le sol humide de mes pieds nus. Les plaies nouvelles d'hier sont encore douloureuses, surtout celle qui barre mon ventre. Je me décide à avancer.

Je cherche le portail. Le portail qui me permet de changer de décor chaque jour, pour de nouvelles épreuves. Le portail est toujours au nord, alors je suis cette direction en espérant vite le trouver. Je repense au premier jour dans le labyrinthe.

Je travaillais au laboratoire du C.O.M.A. à l'époque. C'est moi qui m'occupais de créer les bestioles terrifiantes du labyrinthe. Jamais je n'aurais pensé avoir à les affronter moi même. Je suis jeune pour travailler tout de même, c'est vrai. Travailler pour le C.O.M.A. à dix-neuf ans, c'est jeune. C'est peut-être pour cette raison que le C.O.M.A. m'a licencié, avant de m'annoncer que la dernière victime avait succombé, et que j'étais le prochain sur la liste. Ils ne m'ont pas donné le choix. Alors un beau matin, je me suis retrouvé au milieu d'un décor que je connaissais que trop bien - pour avoir longtemps travaillé dessus.

J'avais encore mes étiquettes sur mes vêtements. Un gros "642" dans le dos, et une petite inscription en Comic sans MS noire sur ma poitrine : "Blake Landers, 642". Maintenant, soit les écritures sont effacées, soit elles sont recouvertes de la boue et de mon sang.

À ce moment là, j'ai compris ce qu'il m'arrivait. Et le cauchemar a commencé.

Je secoue la tête comme pour désapprouver ce que je me dis. Je me concentre sur le chemin épineux parsemé de feuilles mortes qui craquent sous mes pieds endoloris. Une lumière vive à ma gauche attire mon regard.

C'est le portail.

J'inspire lentement.

Allez Blake. Tu peux le faire.

J'avance d'un pas décidé vers le portail. Je me demande où je vais arriver. Le passage d'un lieu à un autre est toujours angoissant. C'est la cinquante-sixième fois que je vais franchir le portail. J'ignore combien de passages il me manque avant de trouver la sortie. Je préfère ne pas y penser.

Je suis juste en face de la porte vers la prochaine épreuve. J'expire et fronce les sourcils. Je traverse le portail d'un pas pressé. Comme d'ordinaire, le fait de transplaner entre les lieux me donne le tournis.

J'atterris lourdement sur un sol boueux, à plat ventre. Bien pour changer. Je m'appuie sur les paumes de mes mains et me relève. Je scrute le paysage du jour. Je déglutis. C'est un marécage. Au loin, j'aperçois des montagnes et la lune. Des arbres morts bordent le marécage. Je me retourne. Derrière moi, il y a une forêt de ronces. Je n'ai donc pas le choix. Je dois traverser le marécage à la nage, et Dieu seul sait quelles créatures vont m'attaquer. Nager est fatiguant sur une longue durée. De plus, j'ai un mauvais souvenir d'un monstre marin qui m'a tiré le pied vers le fond d'un lac, une fois. J'ai cru mourir.

Je souffle. Je n'ai pas beaucoup de temps. Je mets précautionneusement un pied devant l'autre jusqu'à la berge. À la limite, je me demande si la compagnie des monstres n'est pas le meilleur moment de ma journée. La solitude est le pire de tous dangers. Il m'arrive de penser que je vais finir par devenir fou avant de voir la sortie.

Je plonge lentement mon pied droit dans l'eau trouble et lugubre. On ne voit pas le fond. J'inspire longuement. J'y mets mon deuxième pied. Mon cerveau orchestre mes mouvements pendant que mon cœur s'occupe de créer un rythme rapide dans tout mon corps. J'avance dans l'eau prudemment, tous mes sens sont en alerte. Le niveau de l'eau glaciale monte rapidement jusqu'à mes genoux. Je m'enfonce de plus en plus, le sol du marécage est vaseux. Bientôt, je suis submergé jusqu'aux épaules.

C.O.M.A.Where stories live. Discover now