Seizième partie

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Je déteste aller au cimetière. Ce n'est pas que je t'aime pas Melek. Ce n'est pas que je ne prend pas soin de ta tombe. Depuis que je suis en âge de tenir un bidon de deux litres, hiver comme été je verse l'eau gelée sur le marbre glacé et je frotte le sable, les fientes d'oiseaux. La première chose en arrivant je nettoie le médaillon où il y a ton portrait. J'ai le cœur brisé quand je vois t'es yeux bleus ciel, tes cheveux blonds comme les blés, tu es tellement plus belle que moi ! Avec tes traits fins ton petit nez tes airs de poupée, on m'a laissé la vie mais qu'est-ce-que je peux en faire ? Depuis le premier jour où l'on a mit ton corps en terre j'ai rêvé de celui où on m'enterrerait à côté de toi. J'ai passé des soirées entières à scruter le ciel, Billie me répétait l'étoile qui brille le plus c'est Melek, elle veille sur toi. Je déteste aller au cimetière quand je vois qu'une fleur sur ta tombe disparaît et apparaît sur une autre. Je déteste le sable et les fientes. Je me dis comment je peux faire pour que tu n'aies pas froid pour que tu sois propre ? Le pire c'est de constamment faire cette toilette que même vivante ou enterrée tu ne feras jamais seule. Le pire c'est ton agonie, j'aimerai modifier le synopsis mais tout est tracé...

Je ne déteste pas aller au cimetière. La vérité, c'est que je déteste ce moment où je te regarde droit dans les yeux à travers ton médaillon, je sais que je dois partir, mais je sais également que je dois te laisser là. Je dois laisser le corps de ma petite sœur dans une terre froide et humide, je dois laisser sa tombe résister tant bien que mal au vent aux animaux aux voleurs...

J'ai eu peu de copines petite, et je sais bien une chose, c'est qu'au moins la moitié m'enviaient. J'ai grandit fille unique dans une grande maison. Ma chambre faisait le double de la leur. Je ne m'en vante pas, j'aurai aimé la remplir de la présence de ma sœur, pouvoir y refaire venir mes cousins comme quand nous étions enfants, et y repasser en boucle nos jeux. Je n'ai jamais manqué de rien. 

Il y a dix ans chez ma grand-mère, nous étions une dizaine autour de la table, maintenant il reste quatre personnes. 

On m'a toujours dis que je ne faisais pas mon âge, c'est parce-que je suis restée figée dans le temps. Je suis morte avant l'heure. J'y ai laissé une partie de mon âme. Je pleure toutes les nuits, pourtant Billie me répète de ne pas m'endormir sur des larmes. En ce moment quand je fais une crise d'angoisse j'attrape mon téléphone et j'essaie d'envoyer un message à Driss, je pense de tout mon corps « Driss n'est pas mort, Driss n'est pas mort». J'entends son rire, je ressens encore son étreinte, je revois son regard bleu qui me rappelait Melek. J'entends encore « Ma cousine » Et je l'aime encore plus fort. Quand Billie me parle de lui c'est pour me dire : Il restait a côté de ton berceau, il attendait que tu fasses tomber ta tétine pour te la remettre. 

J'ai mal. Je suis à vif. Je saigne constamment. J'essaie de ravaler mes larmes et de faire semblant. Je ne parle à personne. Parfois j'implose, et toujours je me réfugie dans l'auto-mutilation. Je ne me vois plus sans elle. 

À chaque fois que je pense à toiWhere stories live. Discover now