Tu as perdu ton frère, j'ai perdu ma soeur

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Et mes yeux se posent sur le corps mort. C'est un cadavre. La peau est blanche comme de la porcelaine, on a l'impression de voir à travers. Il y a une cicatrice au front, elle ne guérira jamais. Il est toujours aussi beau, mais je met quelques secondes avant de me faire à l'image atroce. Moi qui l'ait toujours vu sourire. Je Le vois dans son sommeil de cristal. Je regarde bien le cadavre, j'essaie de formuler quelques prières, mais tout ce qu'il y a en moi à présent c'est le vide. Tout comme le corps est mort, dépourvut d'âme, moi je suis vide.

Tout à coup me revient un souvenir, c'était il y a quelques mois, Il était venu manger à la maison. C'était un soir comme je les aimais : il y avait mes deux parents, mon oncle, mes deux cousins. Melek si tu m'entends, je pense que nous aurions eu la même relation que nos cousins. C'est-à-dire fusionnelle, complètement soudée au point parfois de ne faire qu'un. Je me sens bien avec ma famille. C'est rare que je me sente bien.

Donc nous avons dîné, Je croit qu'Il est sorti en dernier. Il a ralentit un peu, je Lui ai fait la bise et dit bonsoir. Il m'a regardé dans les yeux, Il avait les beaux yeux bleus typiques de mon nom de famille. Moi au fond j'avais le cœur, les tripes à feux et à sang, à force de souffrir. Et Il m'a prit dans ses bras en disant« Ma cousine » affectueusement. Je crois que c'est la première personne à m'avoir prise dans ses bras.

Revenons à l'enterrement. Je sors de la pièce et rejoint Matisse sur le parking, en le voyant tout de noir vêtu je reconnecte avec ma douleur, je fond en larmes instantanément. Mon corps est secoué de violents sanglots que Matisse tente d'atténuer en me serrant contre lui.

On retourne dans une pièce pour la mise en bière. Il est dans son cercueil. Je n'ose pas l'embrasser pourtant c'est la dernière fois que je vois ce visage. Je dépose une photo de nous deux auprès de Lui.

A l'église je suis tout devant avec la famille proche. Certains font un discours en Sa mémoire mais je passe mon temps à sangloter silencieusement donc je ne vois pas grand chose.

Jusqu'au moment où le cercueil entre. Retentit la musique de Son film préféré. Il, ce cousin, élevé à mes côtés comme un frère, est mort à vingt-deux ans sur les lieux de son travail. En réparant une voie ferrée mal signalisée de nuit, un train est passé, qui l'a aspiré. Son crâne à heurté un poteau, et Il est mort sur le coup.

C'était, et c'est encore ce que j'appelle un trésor. Un être d'une douceur très pure. Toujours heureux, blagueur. Avec une joie communicative, tellement drôle que son rire résonne dans ma tête. On ne s'est jamais disputés jamais. Nous sommes plus de trois cent à l'enterrement et nous faisons la messe les portes ouvertes car il y a du monde jusque dehors. Toi qui disait « Ne vit pas pour que ta présence se remarque, mais pour que ton absence se ressente. »

Je développe des crises où je me met à manger tout ce que je peux avaler, pour ensuite avoir la nausée et me faire vomir. J'essaie d'enchaîner le maximum de nuits blanches jusqu'à tomber de fatigue. Dormir m'angoisse. Je fais d'affreux cauchemars. Je me scarifie au rythme d'une fois par soir. Lorsque ma famille se recueille en silence je refuse de m'asseoir avec eux. Ma douleur m'isole. Quelques jours plus tard, c'est mes quinze ans : je les passe à déménager Son appartement. Voilà, tout est vide, et nous entrons en procès.

Les mois passent, Billie a quelque chose à m'annoncer.

À chaque fois que je pense à toiTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon