Quatrième partie

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Je vais dans la cuisine. Je suis remplie de désespoir. Je prend un couteau dans le tiroir.  A cet instant précis je veux que ma douleur sorte, en prenant forme, et surtout qu'elle me laisse enfin tranquille. Qu'elle me laisse redevenir la vraie Rémie, la petite fille pleine de joie et de malice que j'étais réellement, avant que je ne commence à vivre en étant morte. Des fois je pense à la véritable Rémie, elle était douce et très timide, souvent trop timide. Si bien qu'à force les autres ne s'intéressaient plus à elle. Il fût un temps où il n'y avait pas de larmes sur mes joues, seulement des traces de bisous et des sourires ensoleillés. J'ai détaillé l'arme blanche dans ma main quelques secondes. J'imagine me planter sa lame dans mon ventre, jusqu'à la sentir venir me chatouiller l'estomac. Puis j'imagine mon sang brûlant d'une couleur intense se répandre, et venir souiller mes vêtements. Mais la petite fille de CE1 que je suis, se dégonfle. Je caresse simplement mon ventre avec la lame froide du couteau, je le range.

A la maison c'est l'enfer sur Terre. Billie peut piquer plusieurs colères dans une journée. Je fais ce que j'appelle retenir mon souffle : je ne dis rien, je vais toujours dans son sens, si elle s'en prend à moi je prie pour que cela n'aille pas trop loin. En gros, elle me terrorise. J'ai l'impression que mes organes tombent de mon corps dès que je l'entend claquer les portes. Tout à coup dans la maison on n'entend plus rien si ce n'est sa voix vociférer des atrocités. Billie possède un coffre impressionnant, surtout pour me hurler dessus de toutes ses forces. Quand c'est un objet qui la contrarie alors elle le brise ou l'envoie valser. Quotidiennement j'encaisse ses brimades. Vient le moment angoissant où elle me donne un ordre ; un peu comme on ordonne à son chien ; si je n'exécute pas assez rapidement elle me bouscule ou me jette encore des objets. Dans tout les cas je finit blessée.

Par désespoir je me dis que j'aurai préféré des vrais coups au mots et à la pression qu'elle m'inflige. J'aurai préféré voir mon corps tapissé de bleus, je n'aurais pas eu à décrire le quotidien, là je cherche les mots les plus justes, mais cela ne donne rien. Je suis une enfant dressée, je suis conditionnée pour obéir sans recevoir d'amour, on m'éduque, c'est tout. Et quand je crois lui échapper dans mes rêves, je finis par faire un cauchemars. Mes sanglots la réveillent. C'est elle qui vient me tirer hors de mon lit violemment, pour me traîner par terre jusqu'à ce que j'arrête de pleurer.

Je garde le même silence depuis des années. Je ne dis jamais rien, jamais. Même pas à mon père. Je ne me plains pas de son comportement, j'espère qu'elle finisse par m'aimer. Grâce à ma patience, et surtout parce-que moi je l'aime. Je l'aime comme un enfant aime son parent. Avec toute mon admiration et mon respect. 

Billie reçoit des amies à la maison de temps en temps. Ce n'est plus du tout la même femme. Elle discute de tout et de rien, sociable et joviale. Avec son rire communicateur elle aime avoir des débats animés. Si la conversation en vient à moi alors elle me fait passer pour une fille indigne et me reproche tous les défauts de la Terre. Sur un ton faussement ironique, pour garder le côté jovial.

Le temps passe lentement. Je rêve secrètement du jour où je serai grande. Tout en me promettant que quoi qu'il arrive un jour j'essaierai de me tuer pour de vrai.

À chaque fois que je pense à toiWhere stories live. Discover now