À chaque fois que je pense à toi

La décision

Des fois j'entends à nouveau le hurlement. Je revois tous les cadavres. Et j'ouvre les yeux quelques secondes, je sais que je ne m'en sortirai jamais. C'est une évidence.

Je me mutile les deux avant-bras une grande partie de la nuit. Je ne le fais plus comme avant. C'est si différent maintenant, j'aimerai comprendre pourquoi. Mais tout ce que je ressens c'est le besoin. Les plaies se font plus longues, à peu près une dizaine de centimètres. La profondeur également gagne en centimètres. Je le fais jusqu'à très tard au point d'en tomber de fatigue. Le matin au réveil, je ressens une déception. Déçue de respirer, d'être encore là, de devoir me lever. Quand j'ai envie de mourir comme cela, c'est un effort atroce, le lever. J'arrive devant le lycée toujours en avance pour avoir le temps de fumer mes deux cigarettes. C'est à cet instant à peu près que je me rends compte à chaque fois qu'il y a encore du sang sous mes ongles. J'essaie de mettre des manches amples pour être à l'aise.

La rentrée s'est bien passée. Il y a un groupe de filles avec qui je reste de temps en temps, mais la vérité, c'est que je suis seule au monde. Il n'y a rien de nouveau à cela, ni aucun mal. Je n'en veux à personne. Je n'en souffre même pas, je suis seule au monde depuis mes cinq ans. C'est une habitude à prendre. Je n'oublie rien, je me souviens de tout, je n'essaie pas d'effacer. Je vis juste avec. En cohabitation. J'écris tous les soirs. J'en remplis un classeur.

De temps en temps je vais faire du roller avec une association où je me rends dans une salle de sport. Puis viennent les vacances scolaires. Je pars une semaine chez mon père.

Et comme de par magie, étrangement, tout se passe bien. Mon père me fait découvrir le motocross. Depuis petite je ne suis montée que sur des quad ou alors des piwi. Je me lance sur une moto maintenant. Papa m'explique qu'il a dû payer la part de Billie sur la maison pour pouvoir la garder, et qu'il ne peut donc pas m'offrir tout ce dont je rêve, c'est trop difficile pour lui financièrement.

Chez mon père j'ai de l'espace, mes animaux, ma famille. De quoi maintenir la tête hors de l'eau quelques secondes.

Petit à petit je réfléchit à cette situation. Finalement,peut-être que mon père sait s'occuper de moi. C'est vrai il se débrouille bien tout seul ! Et si c'est Billie qui ne sait pas s'occuper de moi ? Et si Billie, avait fait passer ses besoins et ceux de son copain avant les miens ? Son besoin de mer et de montagne, mais à quel moment a-t-elle parlé de ce qu'il y a de bien pour moi ici ? A quel instant ma petite Rémie on t'as demandé ce dont tu avais besoin TOI ?

Bref je déraille. Quand je rentre des cours Billie a déjà passé une partie de la journée sur l'ordinateur. Sinon elle est devant la télévision. Donc elle ne prend pas le temps de faire éclater ses colères et répandre le malheur autour d'elle. Le manège recommence, je monte dans ma chambre j'écris j'angoisse puis je me taillade. Au moment des vacances c'est toujours un régal. Je rêve de rester bloquée sur le quai, que le train du retour disparaisse.

Les beaux jours se pointent et mes plaies cicatrisent très mal, des chéloïdes apparaissent. Je me balade les bras nus autant que je peux à la maison quand je suis seule. Jusqu'au jour où je prend l'habitude puis Billie rentre plus tôt.

« Je ne comprend pas pourquoi tu fais cela. Et pourquoi tune le fais pas sur ton visage aussi ? A quoi cela te sert ?On dirait une attardée, une adolescente en pleine crise, mais dans le style mongole ! Une retardée mentale. J'ai tout essayé Rémie. Tout, je sais pas quoi faire maintenant. J'aurai dû te laisser en psychiatrie c'est cela ? Moi cette situation m'échappe. J'abandonne. Je ne m'occupe plus de toi. C'est terminé.J'ai assez donné, j'ai souffert. Et il n'y a rien qui a changé, tu recommences. Je vais prendre du temps pour moi maintenant. J'abandonne, je vais pas me rendre malade pour une gamine »

Alors merci de m'avoir facilité la tâche Billie, parce qu'à ce moment, pour moi c'était clair j'avais prit ma décision.