Ta parole est un trésor

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« Je n'irai pas à mon collège à la rentrée. »

Mes parents se mettent à la recherche d'un établissement qui m'offre un cadre plus épanouissant. C'est comme cela que je suis entrée dans le privé.

C'est le jour et la nuit. Me voici rendue en plein centre ville, moi qui habite une campagne éloignée. Je me lève une heure plus tôt afin de pouvoir prendre le train. Puis je marche encore plusieurs minutes jusqu'à mon nouveau collège. C'est un rythme plus soutenu : tout ce que je cherchais. Je m'achète des romans et me lance dans la lecture. J'aime cette nouvelle vie très intellectuelle et spirituelle car j'ai une heure de « pastorale » par semaine, c'est un cour centré sur la religion catholique. Les jours de fête religieuse, le collège nous emmène à l'église pour célébrer la messe. Je me plais dans ce quotidien plus rangé, serein et cadré. Je dois travailler plus dur pour rattraper mes lacunes accumulées. Billie y croit, papa y croit, et moi aussi.

Je me scarifie de temps en temps. Parfois quelques soirs d'affilés mais rien d'extravagant. L'été dernier Billie m'a demandé ce que j'avais au poignet, j'ai répondu que c'était le chat. Elle m'a cru puis a oublié la scène. En effet ce sont de petites griffures superficielles mais je prend un malin plaisir à me donner ce rendez-vous le soir après ma journée. Après les cours, la course contre la montre, mes devoirs, le repas. A l'abri de tout contact humain, là où je n'ai aucune bienséance, politesse et retenue. Le plus jouissif c'est le fait d'échapper à tout regard, à tout avis, que je sois la seule détentrice du secret, que je puisse songer à l'emporter avec moi dans ma tombe. Le mieux, l'extase, c'est de voir les autres me faire du mal, mais que moi je me fasse encore plus mal. Vous prenez le droit de me blesser, j'ai le droit de me scarifier.

Billie s'est inscrite sur un site où des gens organisent des sorties en groupe afin de se faire des amis et des hobbies. Cela doit faire plusieurs mois. Je me souviens de la première fois :

« -Tu sais te faire des pâtes ?

-Oui. (C'est faux je n'ai jamais touché une casserole)

-J'y vais alors. »

Depuis elle sort tous les soirs et les week-end donc à la maison Billie se fait rare. C'est plus calme dans les parages, j'essaie d'apprendre la cuisine.

Enfin les vacances scolaires, deux semaines devant moi, comble de l'excitation : Billie s'évapore en Tunisie pour des vacances au soleil. Autrement-dit la maison va être à moi. J'écris de petites histoires des petits textes je m'invente des personnages j'arrive à les imaginer, mon esprit les dessine, leur invente toute une vie. Et je me perd souvent entre la réalité et mon imaginaire. J'aimerai échapper à la vie pouvoir vivre à travers mes songes.

Et puis on est le six mars deux mille douze, il est un peu plus de dix-sept heures. Mon père rentre du travail. Je suis devant l'ordinateur j'écris une suite à ma fiction. J'entends un « Rémie » crispé, à peine audible. Je lève les yeux, mon père me regarde. « J'ai une mauvaise nouvelle ». Je ne dis rien, j'observe son expression décomposée m'articuler ces mots : « Driss est mort ». Puis il pleure.

Je me jette en direction de la salle de bains, claque la porte derrière-moi et la verrouille. J'explose, je sanglote, je me retiens de hurler, je hurle en silence, je deviens sourde, j'ai mal, mon Dieu ce que j'ai mal. Je suffoque. J'agonise. La douleur me prend par vagues. Violente, complètement violente. Atroce, sans oublier horrible.  

À chaque fois que je pense à toiWhere stories live. Discover now