Chapitre 11

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Ce n’est pas censé être un mythe, une légende ? Non, c’est impossible. Ils ne peuvent pas exister. Des milliers de lois scientifiques rendent leur présence inconcevable. Et puis, on en aurait entendu parler, merde ! Si certains croient au surnaturel, c’est sans doute une façon pour eux de s’évader dans le rêve d’un autre monde plus fantastique, plus palpitant. Hélas, je dois admettre que j’ai un spécimen de vampire sous les yeux et je ne vais pas pouvoir continuer à nier les faits éternellement.

J’en viens donc à me demander : s’ils existent réellement, alors c’est vrai tout ce qu’on raconte à leur sujet ? Craignent-ils l’eau bénite et tous les objets liturgiques ? Sont-ils affectés par le soleil ? Peuvent-ils vivre indéfiniment ? Peut-on les tuer ? Sont-ils des monstres sans cœur, insensibles et assoiffés de sang ? Possèdent-ils une âme ? Quelle est l’étendue de leurs pouvoirs ? Et, concernant Dante, quel âge a-t-il véritablement ? Mais surtout, a-t-il abattu beaucoup de personnes dans son existence ? L’idée que je sois en face d’un tueur en série me fait frémir d’horreur…

Il a décapité cet homme avec tant de froideur. Certes, il s’agissait d’un vampire, donc je suppose que, quelque part, il était déjà mort. Mais il l’a assassiné avec une telle rapidité et précision que ça ne doit pas être son coup d’essai.

Aussi, lorsqu’il s’avance à présent lentement vers moi, je me demande si je vais m’en sortir. Je recule, sans doute par instinct. Il s’arrête net. Je le dévisage, apeurée.

— Je ne te ferai aucun mal, Céleste… Fais-moi confiance.

Il réclame de la confiance. Quel culot ! C’est un sentiment que je ne pourrai plus jamais ressentir envers lui. Mon regard se pose sur le corps inanimé de l’homme dont la tête est arrachée. Une vision macabre ; à donner des cauchemars, au moins, pour les deux prochains mois. Il baigne dans une grosse flaque de sang, dénotant avec la blancheur immaculée de la neige. Ses vertèbres sont entourées de chairs rouges, tout est visible à l’endroit où la tête n’est plus. Des muscles littéralement déchirés sont aussi observables sous forme de fins filaments en bataille. On pourrait imaginer faire un véritable cours d’anatomie humaine à partir de ce cadavre (quand je disais que j’avais le goût d’apprendre !). C’est profondément ignoble.

Mon attention distraite par l’horreur que j’ai sous les yeux ne me permet pas de voir Dante effectuer les derniers pas qui le séparent de moi. Il s’accroupit, tend sa main vers mon visage. Aussitôt, je recule comme je le peux, en me traînant au sol, m’aidant des bras et des jambes. Qu’est-ce qui me garantit qu’il ne va pas m’arracher la tête comme le macchabée qui gît par terre ? Ces mains qui viennent de tuer froidement, je ne veux pas qu’il les pose sur moi. Lorsque ses doigts me frôlent, je me mets à trembler davantage, mais il ne me touche pas vraiment. Il place sa longue veste noire sur mes épaules, passe rapidement un bras dans mon dos et un autre sous mes genoux avant de me soulever du sol.

Je ne peux rien y faire, mon corps entier est congelé et ne me répond plus vraiment. Ma vision est brouillée par les larmes, mais j’arrive à voir son expression. Il porte de nouveau son masque d’impassibilité. Dante est un assassin. Il vient de tuer devant moi et de sang-froid. Il ne semble même pas éprouver de regrets, de peine ou autres sentiments ayant un rapport avec l’empathie humaine. Il l’a tué comme un robot exécuterait une tâche mécanique et répétitive. Les vampires ne ressentent donc aucun sentiment ? Ce qu’arrivent à éprouver les êtres humains est-il un mystère pour eux ? Il marche longtemps, me portant sans difficulté aucune. Et enfin, voilà que mon bourreau me ramène en prison.

Il m’allonge dans la baignoire, s’en va quelques secondes et revient à très grande vitesse avec mes anciens vêtements qui ont dû être nettoyés vu leur propreté. Je ne bouge pas, craignant ses prochains mouvements. Il prend la pomme de douche, règle la température et déverse de l’eau agréablement chaude sur mon corps froid. J’ai des frissons et je ressens chaque partie de mon corps chauffer au contact de l’eau, à la limite d’une insupportable brûlure. Il répète l’action plusieurs fois et quand mes membres sont détendus, je parviens à me redresser dans la baignoire. Il me regarde et prend la parole :

— Enlève cette tunique, lave-toi et enfile ces vêtements… ne bouge pas d’ici, sinon je te garantis que tu auras de gros problèmes.

Sur ce, il se dirige vers la porte et s’en va. Alors c’est tout ? Pas d’explication. Ni même la moindre justification des raisons qui l’ont poussé à m’enlever ? Je me lave, mais en sortant de la baignoire mon pied mouillé glisse sur le carrelage et ma tête cogne bruyamment contre le rebord d’un meuble. Je tente de me relever, mais très vite c’est le trou noir…

Envoûte-moi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant