0 ~ The beginning of everything

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Un jour de décembre, Martin m'a emmenée au Zoo. J'avais sept ans, et comme à chaque fois, il avait pris son appareil photo. A l'époque, je trimbalai toujours avec un moi un vieux pantin bleu qui ne pouvait plus vraiment ressembler à un doudou. Il était déchiré, délavé, et le tissu de son visage avait disparu. Mais quand il devenait froid dans le creux de mes mains, je le calais contre mon cou, et il me rassurait.

Les lions ne faisaient que dormir, et j'en avais pleuré de déception. Alors, Martin m'avait pris dans ses bras et expliqué que passer sa vie à ne rien faire, c'était aussi accepter de vivre. Alors, j'avais laissé mon doudou sur le rebord de la table, parce que d'autres en auraient plus besoin que moi. Je ne savais pas pourquoi je le faisais, juste que cette phrase me donnait envie de le faire.

Je me suis assise plus loin, et j'ai observé la même table en attendant que mon frère revienne des toilettes. Il ne m'a pas fallu attendre longtemps avant qu'un petit garçon qui tenait la main de sa mère se rapproche de celle-ci.

Il aperçut le pantin posé contre le dossier de la chaise et a tiré sa mère par la main. Il avait des cheveux bruns, bouclés et longs. Ses yeux verts brillaient de la joie de vivre. Il attrapa le doudou, le renifla comme un chien renifle sa proie, puis dû juger que l'odeur lui plaisait, parce qu'il enfouit sa tignasse dedans. Sa mère le gronda, lui fit reposer le doudou et il se mit à pleurer.

Soudain, Martin déboula, paniqué de ne plus me voir assise à la table, puis m'aperçut à quelques mètres de là.

- Qu'est ce que tu fais, Sam ? Ça va ?

J'ai hoché la tête sans décrocher mon regard du petit garçon et de sa mère.

- Pourquoi tu fixes ces gens ?

Il s'assit a côté de moi et les observa sans vraiment attendre de réponse.

- Eh, mais c'est ton doudou ! Pourquoi est-il là bas ?

- Je n'en ai plus besoin. Je suis grande maintenant.

Je me souviens avoir été toute fière de lui expliquer ça.

Martin s'est levé et a approché la mère. Sans que j'aie pu faire quoi que ce soit, il lui a gentiment expliqué que cette peluche m'appartenait et qu'il s'excusait de l'avoir laissée là.

Le petit garçon et moi nous fixions. Je voyais dans ses yeux la couleur des prés et je trouvais ça beau. Soudain, son visage s'éclaira d'un grand sourire.

***

Quand Luke a appelé, je n'en ai pas cru un mot. Il avait la voix qui tremblait et des sanglots dans la voix. J'avais un voile devant les yeux, un filtre sur les oreilles et des gants sur les mains.

Je l'ai vaguement entendu dire qu'il y avait eu un problème, et puis je crois que mon corps a déconnecté, comme quand on lit un livre et que l'on arrive à la fin d'une page sans en avoir compris aucun mot.

Malgré moi, une image tournait en boucle dans ma tête. Je me suis souvenue de ce jour mémorable.

***
- Tu aimes les girafes ? A-t-il demandé en attrapant la main de sa mère.

J'ai haussé les épaules, portant mon pouce en bouche comme j'avais l'habitude de le faire. J'avais peur de lui parler et de voir son sourire encore s'élargir. J'avais peur de lui, mais je le trouvais rigolo.

- Reprends ton doudou Samantha, on s'en va, a dit Martin en me prenant la main.

Le petit garçon a tiré la main de sa mère et m'a montré du doigt.

- Est ce que je pourrais jouer avec elle un jour ?

- Nous habitons loin, petit, je ne sais pas si ça pourrait se faire, déclaré Martin en s'accroupissant face à lui.
Le garçon a froncé le nez en signe de mécontentement. Je continuais de le fixer. Soudain, un cri a retentit de l'autre côté de la terrasse du café. Des dizaines de gens se tournaient vers la cage des singes, quelques cris de terreur sortaient de la foule.

La mère du garçon et mon frère se sont tournés vers la source du bruit et nous ont tiré par la main. Alors qu'ils restaient en arrière, nous nous sommes faufilés a travers les adultes curieux. Je voyais des chaussures partout, et des chaussettes de toutes les couleurs. Au milieu des bleus, des roses, des motifs de fruits et des effigies de Donald, nous nous serions la main très fort. Les chevilles voulaient nous diviser, mais nous sommes finalement arrivés jusqu'à la vitre de la cage des singes.

A l'intérieur, deux orangs-outans se battaient en duel, s'envoyant du sable et se sautant l'un sur l'autre. C'était un combat impressionnant. Je me suis agenouillée sur le sol et le garçon a serré ma main plus fort.
- Est ce que je peux te dire quelque chose ? A-t-il demandé, les joues rouges, et ses boucles collant sur son front.

- Quoi ?

- Je crois que j'ai de l'amour avec toi.

Looking For SmokeWhere stories live. Discover now