20 ~ Fly away today

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29 décembre

- Ashton, c'est quoi ça ? demandai-je d'une voix tremblante.

Le bouclé ouvrit des yeux fatigués, aperçut la photo et se réveilla d'un coup.

- Qu'est-ce que ça fait là ?

J'haussai les épaules, un peu effrayée.

- C'était posé sur mon lit. Personne n'est venu pendant mon absence ?

- Je ne sais pas, je dormais, dit-il en soupirant.

- Tu ne sais jamais, de toute façon ! Pourquoi tu ne prends rien au sérieux ?!

- Ne t'inquiètes pas, c'est sûrement une infirmière ! Dit Ash, a présent assis dans son lit.

Je soupirai bruyamment en agitant les bras, soudain secouée de la même colère que le soir de l'accident, cette colère incontrôlable qui vous pousse à faire les pires choses.

- Tu plaisantes, j'espère ?! Regarde les choses en face, Ashton ! Michael a disparu depuis plus d'un mois et demi, nous recevons des cartes bizarres, nous sommes témoins de trafic de drogue et tu te prends des coups de couteau dans le ventre ! Tu ne vois pas qu'il y a un problème ? Tu ne crois pas qu'il se passe quelque chose ?

Il sourit en apercevant mon visage rouge de colère.

- Tu ne crois pas qu'il faudrait que tu reprennes ton souffle ?

J'ai fini par craquer. Finalement, je me suis affaissée dans le fauteuil sans réussir à retenir mes émotions. J'ai laissé couler les larmes comme on ouvre les vannes d'un barrage, la tête entre les mains, recroquevillée sur moi-même.

« - Pourquoi tu aimes me faire pleurer ?

- Je ne voulais pas, désolé.

- Tu t'excuses à chaque fois, mais ça recommence. Est-ce que tu m'aimes vraiment ?

- Bien sûr, Sam, tu es ma sœur. Mais c'est mon rôle de frère de te dire qui tu es.

- Si tu étais sincère, tu ne me reparlerais pas d'Ashton. Ne me parle plus de lui, s'il te plaît. Je veux juste oublier.

- Comment veux-tu l'oublier ? Ce qu'il a fait est juste inacceptable. Je ne veux plus qu'il t'approche.

- Et s'il le fait quand même ?

- Je te promets que je le tue. »

J'ai senti une main se poser sur mon épaule. J'aurais voulu la virer, lui dire de s'en aller, mais je n'y arrivai pas. Je me sentais trop faible, à présent, pour faire quoi que ce soit à part pleurer. Ashton s'est approché de moi et m'a entouré de ses bras. J'aurais voulu me dégager, lui dire que je ne voulais plus le voir. Mais je n'ai pas pu.

- J'en ai marre, soufflais-je.

Il resserra sa prise sur moi et esquissa un sourire qui se voulait encourageant.

- Ça va aller, je te le promets. On va ramener Michael. On va aller le chercher, même si je dois transporter ton fauteuil jusqu'en Chine pour le retrouver.

***

9 janvier

- Les passagers du vol numéro 98463 en direction de Hong Kong sont priés de se rendre à la porte 27 pour procéder à l'enregistrement, fit la voix de synthèse qui résonna dans le hall de l'aéroport.

Je secouai Ashton pour le sortir du sommeil. Il se réveilla en sursaut, les cheveux plus en bataille que jamais. Je le revis, tout à coup, cinq ans en arrière, avec cette même coupe, ces mêmes yeux vert d'eau et ces mêmes fossettes rieuses. J'ai revu l'espace d'un instant le Ashton duquel j'étais tombée amoureuse il y a si longtemps, celui qui me faisait rêver et me montrai les étoiles. Celui qui m'apprenait à me sentir vivante.

Surprenant mon regard amusé sur sa tignasse, il réajusta son bonnet en riant. Je lui répétai une nouvelle fois ce que la voix de synthèse venait de dire. Nos bagages étant déjà partis en soute, il attrapa son sac à dos, chercha notre destination du regard et poussa mon fauteuil jusqu'aux ascenseurs.

- Pourquoi Luke ne vient jamais avec nous ? demandai-je une fois dans l'habitacle qui allait nous transporter plus haut.

- Il doit surveiller l'appartement au cas où d'autres messages arriveraient où, encore mieux, dans l'éventualité où Michael ne serait pas en Chine et reviendrait un matin.

Je soupirai, prise d'une soudaine lassitude. Au fond, Luke avait peut-être raison. Et si Michael n'était pas aussi loin et toute cette aventure n'était qu'une mascarade ? Je ne fis pas part de ma réflexion à mon compagnon de voyage qui était trop occupé à observer le tableau des départs. Au fond, si Michael revenait comme une fleur, j'aurais au moins fait un bout de mon tour du monde avec lui.

Ashton poussa mon fauteuil jusqu'à la porte numéro 27 et présenta nos cartes d'embarquement à la personne au guichet, que je n'arrivais pas à voir depuis ma position assise.  Les gens qui étaient autour de nous me jetaient des regards intrigués, voire hostiles. Je n'aimais pas sentir toutes ces paires d'yeux sur moi. Je ne voulais pas les voir me détailler du regard.

Je soulageai Ashton en poussant moi-même le fauteuil jusqu'à l'avion, qui était d'une taille impressionnante. Cette fois, le bouclé n'avait pas réussit à obtenir une place en première, mais j'avais droit à un service pour handicapés qui l'encourageai à se moquer gentiment. Pourtant, il avait une attitude protectrice envers moi, ce qui ne me déplaisait pas tant que ça. Il jetait des regards menaçants à tous les passants trop curieux pour les dissuader de m'approcher. 

Un steward m'attendait en bas de l'avion. Ashton m'abandonna pour rejoindre sa classe. Je ne le reverrais pas avant seize heures, une fois que nous seront arrivés à Hong Kong.

- Ça va aller ? demanda-t-il avant de me quitter.

J'ai acquiescé d'un hochement de tête.

- Ne t'inquiètes pas, j'ai vécu pire que d'être séparée de toi pendant quelques heures.

Il n'as pas souri à ma blague. Il avait l'air stressé. Je lui offrais un sourire qui se voulait rassurant à cause du steward qui  s'impatientait. Finalement, en désespoir de cause il a déposé un léger baiser sur mon front avant de tourner le dos et de monter dans l'avion sans se retourner.

Je n'ai pas bronché lorsque l'avion a démarré. Dix minutes plus tard, une présence s'est fait ressentir à côté de moi. J'ai deviné que c'était Ashton sans même avoir à le regarder. Je sentais peser sur moi l'intensité de ses yeux verts. J'enlevai mes écouteurs et tournai la tête dans sa direction.

Il m'a fixé sans rien dire. Une partie de roi du silence s'est engagée entre nous deux, et c'est lui qui a gagné.

- Tu as quelque chose à me dire, constatai-je impatiemment.

Il paru réfléchir quelques secondes. Ces quelques secondes où je l'ai aperçu de nouveau quelques années plus tôt, tiraillé entre le désir d'aller manger un bon hamburger où la responsabilité de faire ses devoirs. J'ai souri à cette pensée tout en attendant sa réponse.

- Je.... enfin non. Rien.

Et il a fait demi-tour vers son siège, me laissant seule une nouvelle fois.

Looking For SmokeWhere stories live. Discover now