Chapitre 11

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31 mai 1939

Dans les quartiers SS, l'agitation augmente de jour en jour : trop d'évènements ont eu lieu ces deux derniers mois pour et la rumeur d'une entrée en guerre imminente de l'Allemagne contre la Pologne ou la France ne cesse d'enfler dans le camp.

Il se murmure que les anglais et les français ont conclu un pacte avec mon pays natal pour tenter de résister à la puissance du Troisième Reich.

Hitler n'est pas resté inactif car de son côté, il a signé un pacte avec l'Italie : il ne s'agit pas d'un simple document pour confirmer l'entente entre les deux pays, non, il s'agit d'un pacte militaire offensif.

D'ailleurs, les italiens n'ont pas attendu la signature de ce pacte pour agir sur le terrain car en avril dernier ils ont envahi l'Albanie.

Je me demande s'il n'y a pas une sorte d'accord secret de répartition des territoires européens entre les deux pays : dans un premier temps cette idée me semble saugrenue mais au vu de ce qu'Hitler a mis en place ces dernières années, je me dis que finalement, c'est tout à fait plausible.

Toutes ces nouvelles, qui atteignent le camp au compte-goutte, suscitent chez mes camarades SS des envies de conquêtes et de batailles.

La seule zone d'ombre selon eux provient des russes : Staline avait bien fait comprendre après la signature des accords de Munich qu'il était furieux de ne pas y avoir été convié. Il me semble que la Russie est une puissance à ne pas négliger et je suis curieux de voir ce qu'Hitler va faire pour se mettre le dirigeant soviétique dans la poche. Tout comme la majorité des SS du camp, je crois que le Führer est parfaitement conscient qu'il ne peut se permettre d'avoir toute l'Europe à dos au risque de voir s'envoler ses rêves de conquête et d'empire allemand surpuissant.

Désireux d'augmenter leurs réserves financières, certains soldats ont monté tout un système de paris et de nombreux SS se sont déjà laissé convaincre. Ils peuvent parier sur tout ce qu'ils veulent : la date à laquelle L'Allemagne déclarera la guerre à la Pologne, la France ou l'Angleterre, la date à laquelle ces pays seront sous autorité allemande... D'après les conversations lors du repas du soir, j'ai pu remarquer que quelques hommes avaient étendu ces paris à la vie du camp : il est désormais possible de parier sur les pendaisons de la semaine ou encore sur le nombre de tentatives d'évasion sur un mois.

Je trouve cela malsain, vraiment malsain. Naturellement, lorsque de l'argent est en jeu, les tensions apparaissent très vite : il n'est pas rare de voir deux soldats en venir presque aux mains en raison d'un pari perdu par l'un ou l'autre.

Je me demande si le commandant Baranovksi est au courant que certaines chambres ressemblent plus à des tripots à des lieux de repos. Non, à bien y réfléchir, il passe tellement de temps à l'infirmerie qu'il n'a certainement rien du remarquer.

D'ailleurs, cet intérêt soudain pour l'hôpital me semble suspect car Baranovski n'est pas le seul : j'ai déjà remarqué que plusieurs autres dirigeants du camp y passaient régulièrement. Je me demande bien pourquoi car ils ne supportent pas d'être en contact avec les malades : leur attitude est vraiment contradictoire.

A moins que...

Je secoue la tête, dégoûté par mes propres pensées : à force de côtoyer des personnes dépourvues de considération pour tout ce qui n'était pas aryen, me voilà à réfléchir à ce qu'elles pourraient encore inventer comme supplices.

Contrairement à la majorité des soldats qui sont affectés définitivement à une fonction bien précise, je change régulièrement de poste de travail au gré des humeurs de Georg ou du nombre de prisonniers qui constituent l'Ersatzkommando : s'ils sont entre 150 et 200, ma présence est requise, dans le cas contraire, je suis envoyé ailleurs.

Les sentiers de l'espérance {publié aux éditions Poussière de Lune}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant