Chapitre 6

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15 décembre 1938

De nouvelles mesures anti-juifs suite aux émeutes de début novembre ont été immédiatement mises en place : ceux qui devaient recevoir une indemnisation pour des vitrines brisées se voient confisquer cet argent et, en outre, les Juifs allemands reçoivent l'obligation de remettre en état, à leurs frais, tous les bâtiments et commerces qui ont été endommagés.

Mais cela ne s'arrête pas là : dès l'année prochaine, il sera strictement interdit aux Juifs d'exercer une activité commerciale.

Hermann Göring leur impose également de vendre leurs biens, titres, bijoux et œuvres d'art tandis que Joseph Goebbels instaure d'une part l'interdiction pour les Juifs d'avoir accès aux distractions publiques et aux parcs, et d'autre part il décide également d'interdire aux enfants juifs de fréquenter les écoles allemandes.

L'émigration de la population juive a fortement été accélérée car selon un dernier recensement, ils seraient près de 80 000 à avoir quitté le Reich. Je les comprends car, que leur reste-t-il ? Plus d'aide sociale, plus d'activité commerciale, plus d'accès à certains lieux publics,...

En fait, les mesures destinées à les exclure de la vie politique, culturelle et professionnelle ont été multipliées et surtout, elles se sont durcies.

Pour moi également, les choses avaient évoluées : quatre jours après ces émeutes, Karl m'avait appelé dans son bureau :

« Tu es affecté au Konzentrationslager Sachsenhausen. Il leur manque des hommes, nous avons obtenu une dérogation pour que tu rejoignes la SS. Normalement il faut remplir certains critères mais mon frère a le bras long et il aimerait que le message qu'il essaie de t'enseigner depuis des années s'imprime dans ton cerveau une bonne fois pour toute.»

Hormis les quelques bribes de conversation que j'avais entendu ici et là sur les camps de concentration, je ne savais rien de ces endroits, de ces camps.

Oranienburg-Sachsenhausen est situé à 30 kilomètres de Berlin : une manière pour mon beau-père de me garder à distance raisonnable notamment pour permettre à Karl d'intervenir rapidement au cas où.

Il semblerait que ce camp a pour objectif d'être un modèle du genre : par rapport à quoi, je me le demande. En tout cas, de ses soldats à son architecture, tout doit transpirer l'idéologie nazie.

Le camp accueille également le siège de l'IKL, l'inspection des camps de concentration.

Lorsque je descends de la voiture et que je contemple le grand bâtiment blanc qui marque l'entrée sur le domaine, je suis anxieux car à l'exception de ce qu'on a bien voulu me dire, je ne connais rien de cet endroit.

Nous sommes sur un territoire marécageux, sablonneux et avant d'arriver au camp nous avons traversé une grande forêt de pins et j'ai vu de nombreux lacs et étangs.

Je remarque sur la grille en fer forgé du portail d'entrée une inscription curieuse : Arbeit macht frei.

Je ne sais pas si celle-ci a toujours été là mais elle me semble inappropriée pour un camp de prisonniers surtout que celui-ci abrite des communistes, des sociaux-démocrates, des syndicalistes, des Tziganes, des asociaux et des Juifs c'est-à-dire des ennemis du Reich exclusivement. Si les dirigeants de l'Allemagne ont décidé de les emprisonner et de les faire travailler, je ne crois pas qu'ils vont les libérer par la suite pour bonne conduite.

Je suis conduit dans le bureau du commandant du camp, Hermann Baranowski.

Dans un premier temps j'ai droit au compte rendu de son parcours et j'apprends qu'il a déjà commandé d'autres camps du même type à Lichtenburg et à Dachau.

Les sentiers de l'espérance {publié aux éditions Poussière de Lune}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant