Chapitre 7

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22 janvier 1939

Göring a décidé de rassembler et de cantonner les Juifs dans des immeubles qui leur sont exclusivement réservés mais Le Führer semble s'y être opposé car selon les rumeurs il souhaiterait accélérer le processus d'émigration forcée. D'ailleurs, les Juifs qui ont de la famille en Pologne ont eu l'autorisation de les rejoindre aussi vite que possible.

De toute façon, que peuvent-ils faire en Allemagne ? Plus rien car en à peine six ans, ils étaient devenus des marginaux, des personnes indésirables. Comme si cela ne suffisait pas, les Juifs qui ont un prénom d'origine « non-juif » ont l'obligation d'ajouter sur leur carte d'identité « Israël » pour les hommes et « Sara » pour les femmes.

Dans le camp, certains soldats murmuraient qu'Hitler avait décidé d'anéantir la race juive car selon lui l'Allemagne avait besoin d'un espace vital. Chaque jour, ils discutaient toujours du même sujet : les Juifs, les Juifs, encore les Juifs.

Je m'estimais cependant heureux car dès mon arrivée dans le camp personne n'avait souhaité faire plus ample connaissance avec moi : si je n'avais aucun camarade à qui me confier, cela m'épargnait de devoir participer à des discussions absolument malsaines.

Ludwig a vite compris que j'étais ici contre ma volonté : en un mois je n'ai pas une seule fois pu me résoudre à tuer un prisonnier de sang-froid. Lorsque l'occasion était arrivée pour moi la première fois et voyant que je ne tirais pas, il s'était énervé et m'avait empoigné fermement. En constatant qu'il ne connaissait pas mon nom, il m'avait demandé de lui décliner mon identité. Il avait sursauté en apprenant que j'étais indirectement apparenté à Ernst et m'avait lâché immédiatement. Depuis, il ne m'adressait plus la parole, à ma grande satisfaction, mais je savais qu'il réfléchissait à une solution pour se débarrasser de moi.

Je termine rapidement mon repas de midi et je m'apprête à regagner le mirador quand je vois s'approcher de moi un officier que je n'avais encore jamais rencontré dans le camp. Il n'a pas l'air fâché et n'affiche pas une mine belliqueuse mais je reste sur mes gardes : l'homme vient simplement m'informer que je suis affecté à la surveillance des détenus qui travaillent à l'extérieur du camp et que je dois m'y rendre immédiatement.

Je le suis docilement en soupirant car je sais très bien qu'il ne s'agit pas uniquement d'observer les prisonniers, il faut aussi les punir s'ils ne travaillent pas assez vite, s'ils se reposent trop longtemps ou s'ils parlent entre eux.

Comme je fais partie des SS, j'ai droit à des vêtements chauds et un manteau me permettant de supporter le froid de l'hiver. Les pauvres malheureux que je vois face à moi, ne disposent que de vieux uniformes rapiécés et tellement usés qu'ils ne les protègent absolument pas des conditions climatiques très rudes.

Quand je sais ce qu'ils avalent comme repas, je me sens vraiment honteux : j'avais appris en écoutant l'un ou l'autre soldat que les prisonniers avaient droit une ration de pain qui oscillait autour de 325 grammes, un pain chargé d'eau, lourd et à la mie compacte. Dans les kommandos, ils reçoivent deux autres tranches de pain recouvertes d'un peu de margarine et de confiture.

Le matin ils ont droit à une tasse de café, non en réalité il s'agit d'une sorte de liquide brun que les soldats tentent de faire passer pour du café.

En semaine, le repas de midi consiste en un demi-litre de soupe très claire avec trois ou quatre pommes de terre non épluchées ou un litre de soupe sans pommes de terre. Parfois, avec un peu de chance, il y a d'autres légumes noyés dans l'eau.

Quatre jours par semaine, le soir, les détenus reçoivent le même liquide brun que le matin. Parfois, avec leur pain, ils peuvent obtenir une rondelle de saucisson. Seul le dimanche midi la soupe est plus épaisse et ressemble un peu plus à une vraie soupe avec plus de légumes et même parfois quelques morceaux de viande.

Les sentiers de l'espérance {publié aux éditions Poussière de Lune}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant