Chapitre 4

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22 octobre 1938

Bizarrement, les choses se sont calmées ces dernières semaines. Jürgen et Frank, ainsi que Mark, celui qui m'avait blessé au bras lors d'un exercice de tir, ont été transférés à leur demande dans un camp d'entraînement à Bergen, à 40 kilomètres au nord de Hanovre car ils ambitionnent de devenir officiers et apparemment, rester dans la caserne où je me trouve actuellement ne leur apportaient pas l'entraînement requis pour mener une telle carrière.

Je ne vais certainement pas me plaindre et je crois que bon nombre de soldats ici partagent le même avis que moi. D'ailleurs l'atmosphère a considérablement changé depuis leur départ car en réalité peu de soldats les appréciaient même s'ils étaient issus du même milieu aisé.

Ce qui n'a pas changé en revanche, ce sont les insultes et les châtiments que se plait toujours à m'infliger Karl. Il semble en outre convaincu que je suis responsable du départ de ses trois recrues préférées : il faut dire que, lors de mon expédition forcée au club il y a presque un mois de cela maintenant, ce sont eux qui ont été sanctionnés pour avoir bu des heures durant, semé le trouble parmi les respectables clients et pour n'avoir pas respecté le couvre-feu.

Personne n'avait eu à se plaindre de moi puisque je n'avais pas participé à cette beuverie collective et que je m'étais enfui de ce sinistre endroit avant que cela ne dégénère.

Ce qui avait surtout eu le don d'énerver Karl au plus haut point c'était l'agression de Johanna, sa propre cousine, par Frank : évidemment il avait tenté de me coller cela sur le dos mais la jeune femme n'avait pu m'identifier pour la simple et bonne raison que je ne me trouvais pas avec elle ce soir-là.

J'avais assisté à sa déposition dans les bureaux mêmes de la caserne tant Karl était persuadé que j'étais responsable de son agression. Quand elle avait commencé à décrire très précisément celui qui avait essayé d'attenter à son honneur, quand j'avais compris qui était le coupable, j'avais jeté un regard discret mais inquiet à mon supérieur. Ce dernier m'avait ordonné sèchement de quitter la pièce et je savais qu'une lourde punition m'attendait bien que je n'avais rien fait et que je pouvais, moi-aussi, me considérer comme victime de la violence de mes camarades.

Si je peux légèrement souffler avec le départ de trois de mes tortionnaires, ma vie n'est pas beaucoup plus reposante pour autant : les punitions que je reçois m'épuisent physiquement et psychologiquement tout comme les entraînements qui se sont intensifiés ces trois dernières semaines : je me demande si le rattachement de la région sudète à l'Allemagne y est pour quelque chose.

Les accords de Munich de fin septembre ont bien évidemment été largement commentés par nos différents supérieurs car la grande Allemagne avait réussi à faire plier le Royaume Uni et la France, désireux d'éviter une guerre avec le Reich.

Ils n'avaient malheureusement pas compris que le Führer ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin même s'il avait certifié que ses revendications territoriales s'arrêteraient à l'annexion du territoire sudète.

Les Anglais et les Français avaient choisi le déshonneur à la guerre mais ils n'avaient pas réalisé qu'ils allaient réellement devoir faire face à une guerre car à mon sens, ce n'était plus qu'une question de mois tant les officiers de la caserne nous obliger à réaliser nos exercices encore et encore.

Je savais parfaitement qu'Adolf Hitler était un manipulateur-né : pour preuve, le premier ministre britannique l'avait qualifié de gentleman ! Les journaux allemands en avaient fait leurs gros titres et la propagande à son égard avait repris de plus belle.

Même l'Italie avait suivi le mouvement et son dirigeant, Benito Mussolini, avait réussi à promulguer des lois raciales similaires à celles que l'Allemagne avait adoptées lors du congrès annuel du parti nazi en septembre 35.

Les sentiers de l'espérance {publié aux éditions Poussière de Lune}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant