Chapitre 1

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12 septembre 1938

La mobilisation générale a été déclarée il y a tout juste un mois et cela ne m'étonne pas : ce n'est, après tout, qu'une conclusion logique à tous les événements qui s'étaient déroulés en Allemagne depuis cinq ans.

Lorsque mon père nous avait lâchement abandonné ma mère et moi il y a huit ans alors que nous venions à peine d'arriver, je croyais sincèrement que nous rentrerions en Pologne : je détestais ce pays, je détestais Berlin et toutes ces croyances que les dirigeants allemands tentaient d'imposer à leur peuple.

Mais ma mère avait décidé d'utiliser l'argent que son escroc de mari lui avait laissé : j'avais reçu de beaux vêtements, elle avait engagé un professeur particulier pour nous permettre de maîtriser parfaitement la langue allemande et ma vie avait continué d'être un enfer.

Le professeur, bien entendu, avait trouvé bizarre qu'une femme seule avec un gamin de 10 ans soit en possession d'une telle fortune. Ma mère, avec un aplomb que je ne lui connaissais pas, avait indiqué qu'ils s'étaient séparé à l'amiable et que son ex-mari ne souhaitait pas qu'elle se retrouve dans le besoin.

Ma mère était jolie, trop jolie peut-être et après quelques leçons, notre précepteur amena avec lui des lettres qui venait d'un homme très riche et qui avait été touché par notre infortune.

Ma mère répondit à chacune des lettres puis très vite, elle reçut une invitation à dîner : nous étions cordialement invités à nous présenter à une soirée de gala que donnait celui qui payait désormais nos leçons.

Trois mois plus tard, nous emménagions dans la luxueuse demeure et deux semaines seulement après notre installation, ma mère épousait notre bienfaiteur.

Fervent catholique, cet homme m'avait alors forcé à être baptisé et à faire ma communion sous prétexte qu'étant désormais son fils adoptif je lui devais le respect et l'obéissance.

A ce titre, j'avais droit à un régime spécial fait essentiellement de gifles et de punitions en tout genre : finalement mon vrai père était bien tendre en comparaison.

Et, si j'avais le malheur de protester, je passais la nuit enfermé dans la cave, dans le noir avec une vieille couverture en guise de matelas pour dormir et bien entendu, j'étais privé de repas le lendemain.

Ma mère comme à son habitude ne disait rien car elle n'était au courant de rien ou ne voulait pas être au courant, ce qui lui importait c'était de pouvoir continuer à mener cette vie de grand luxe faite de grandes réceptions et de soirées au théâtre ou chez les riches amis de son époux.

Très vite j'avais compris que celui-ci était dangereux et très influent : de nombreuses personnalités allemandes étaient régulièrement invitées à dîner au manoir et ces soirs-là, j'étais prié de rester dans ma chambre car mon beau-père avait honte de moi : en effet j'étais brun, pas blond, je n'étais pas réellement un allemand, ma famille était de confession juive et Ernst détestait cela. Mais personne n'était au courant car il avait fait en sorte d'édulcorer la réalité.

Les hommes qu'il rencontrait régulièrement étaient des membres importants d'un parti politique, le parti national socialiste des travailleurs allemands.

Ernst vouait un véritable culte à son président, un certain Adolf Hitler dont il avait un exemplaire de son livre, Mein Kampf, et lorsqu'il avait été nommé chancelier, une grande réception avait été organisée par mon beau-père pour célébrer l'événement avec d'autres fervents partisans.

A partir de ce moment-là, il s'était montré encore plus implacable envers moi tant il était obsédé par son image et sa crédibilité : après tout, il était l'héritier de l'une des plus grosses fortunes d'Allemagne.

Les sentiers de l'espérance {publié aux éditions Poussière de Lune}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant