La Goutte De Trop.

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Tiens, il pleut. C'est étrange pour un jour de juillet. Je vois déjà les petits vieux clamer de leur voix usée «Y a plus d'saison !». J'esquisse un sourire. Ça faisait longtemps. Mes yeux, encore rouges et gonflés, contemplent les gouttes qui viennent frapper la fenêtre. Il fait vraiment sombre, dehors. Je ne me suis pas rendu compte que le temps avait passé si vite.

Je me lève de mon lit pour aller reprendre un verre, dans la cuisine. Je n'entends plus les grincements des escaliers, avec le bruit des tuiles frappées par la pluie. C'est assourdissant. Il fait froid.
Toutes les lumières sont éteintes, en bas, et c'est en avançant à tâtons que j'atteins l'interrupteur. La maison est calme, quand elle n'est pas là. Je retiens mes larmes, reniflant bruyamment, bien malgré moi.
Je remarque que la toile cirée est sur la table, comme d'habitude, mais qu'une tache sombre est en son centre. Je ne me demande pas quelle en est la cause, je n'ai pas la tête à ça.
J'attrape une bouteille, sur l'étagère, et je remplis mon verre. Je sais que j'aurai fini la bouteille dans moins d'une heure, il faudra que je descende à la cave pour en chercher une nouvelle.

Mon verre rempli, j'en prends une gorgée. Je me sens réchauffé. J'entame mon parcours vers les escaliers. Arrivé à la cinquième marche, mon verre tombe de mes mains. Je viens de voir une ombre passer, dans le couloir. Non, c'est juste mon imagination, n'est-ce pas ? Ce n'est pas la première fois que j'ai des visions comme celle-ci, et je devrais m'étonner de ne pas en avoir plus, après une après-midi passée à boire. Il faudrait que je nettoie les bouts de verre, mais je n'en ai ni la force, ni l'envie. Elle me reprochait souvent ma paresse, avant que...

Je fonds en larmes, à genoux dans les escaliers. Tout est de ma faute ! Mes sanglots ne couvrent même pas le bruit de la pluie, toujours persistante. Après une vingtaine de minutes, je me relève, concentré sur le son régulier des gouttes sur les tuiles et les fenêtres. J'ai eu de la chance de ne pas m'entailler les genoux. J'enjambe le verre cassé, je dois dormir.

Je suis dans mon lit, encore habillé. Le bois travaille, dans le couloir, et je me concentre sur le clapotis de la pluie. J'entends le vent dans les branches du bouleau dehors, semblable à une multitude de murmures inaudibles. J'aimerais comprendre ce qu'ils disent. J'aimerais comprendre ce qu'elle m'avait dit.
J'arrive finalement à m'endormir, entendant malgré tout les murmures du vent. Viennent-ils vraiment du vent ? Ils résonnent dans ma tête, toujours incompréhensibles, et son image s'impose à moi. Un visage délicat, des cheveux d'une clarté incroyable reposant sur son front comme la plus éclatante des couronnes. Puis son image s'évanouit pour laisser place à une vision d'horreur : des flammes, des cris, et surtout du sang.

Je me réveille subitement, en sueur. Un cri vient de retentir dans la maison. Pas un cri de rage, ni de détresse. Un cri de désespoir, pur et terrifiant. Je sors de mon lit en vitesse, je veux la sauver. Mais arrivé à la porte je m'en rends compte : il est trop tard. J'ai laissé passer ma chance. Ce cri n'était sans doute qu'un écho de ma mémoire, mais il semblait si... réel. Je décide de prendre un verre d'eau, pour me détendre. La pluie est là, assourdissante. Je prends les escaliers, lentement, prudemment.
Je trébuche, mes pieds quittent la marche qui me soutenait. Ma tête frappe une marche plus bas, je roule lamentablement jusqu'en bas des escaliers. Quelque chose vient de me pousser.
Mes cheveux sont poisseux, je crache du sang. Et je la vois.

L'ombre, en haut des escaliers. Elle se tient là, me regarde, se moque de moi. Je ne distingue de sa tête que deux yeux brillant d'un éclat surnaturel me fixant. Sonné et furieux, j'arrache de sa prise une lampe à côté de moi, et me précipite sur le monstre. Mais il disparaît devant moi, et, pris dans mon élan, je me frappe la tête sur le mur derrière lui. Son rire résonne dans la maison, tandis que ma vue s'assombrit. Je distingue les portes qui claquent au rythme du rire moqueur, le mur du fond du couloir se rapprochant dangereusement.
Je suis terrifié, mes yeux sont baignés de larmes, et j'entends une percussion régulière dans ma tête encore douloureuse. Ce rire résonne toujours dans mon être, et la pluie l'accompagne.

Je ne veux pas qu'ils se moquent de moi... Je ne veux plus qu'ils se moquent de moi. J'ai tenté de la sauver, je n'ai rien pu faire de plus ! J'ai toujours été faible... Et seul. Je veux que ça cesse, que les rires s'arrêtent, mais ils redoublent d'intensité.

Je parviens à me remettre sur mes jambes, la vue obstruée par les larmes. Je cours vers les escaliers,
tombant presque, et mes larmes se changent en sang. Elles me brûlent les yeux... Et l'âme. Je ferme les yeux, priant pour que tout s'arrête, priant pour que ça ne soit jamais arrivé. Je m'agenouille sur le sol, criant et suppliant le monde de me libérer.
Je sens des gouttes d'eau sur ma nuque.
J'ouvre les yeux, lentement, sanglotant. La maison n'est plus là, l'ombre n'est plus là. Les rires ne sont plus là.

Je suis seul, sous la pluie.
J'ai froid. J'ai si froid...












Le Livre a tourmenté cet homme comme s'il avait une rancune particulière contre lui.
Le Livre déteste la lâcheté, et plus que tout les regrets.
L'histoire de cet homme s'inscrit dans le sang, lettre après lettre, page après page, cri après cri.
Je suis le Livre dans les ombres désormais, et m'assure que son rôle soit assuré.

En effet, quel genre de livre n'a pas d'histoire à raconter ?

#Laura :)

N'ayez pas peur. [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant