Il se félicite des quelques 35 000 Juifs arrêtés durant les émeutes de novembre et précise qu'ils ont tous été envoyé soit ici, soit à Dachau, soit à Buchenwald.

Le commandant est d'ailleurs très fier de m'informer qu'Herschel Grynszpan, le meurtrier du conseiller Von Rath se trouve enfermé ici à Sachsenhausen.

Puis il me cite encore cinq autres noms de camps prêts à accueillir de nouveaux pensionnaires : je sursaute à ces évocations car je n'imaginais pas qu'il y ait autant d'établissements de ce genre en Allemagne.

Ensuite, en écoutant cet homme qui me semble être un fanatique de l'idéologie nazie, je commence à prendre peur car je réalise qu'il y a derrière ces camps et toutes ces arrestations, quelque chose de plus inquiétant encore, une sorte d'organisation bien rodée mais dont les desseins m'échappent encore complètement.

A la fin de l'exposé, le commandant Baranowski détaille rapidement la demande d'affection faite en mon nom puis il m'invite à le suivre et me présente l'un de ses adjoints, Wilhelm Hempel, qui va m'expliquer le fonctionnement du camp.

Je m'assieds sur une vieille chaise en bois et détaille un instant l'officier face à moi : de haute taille, il porte des lunettes et il ne me semble pas être un homme commode.

Il m'explique qu'il est le responsable de tous les kommandos du camp, les unités de travail : il y en a une bonne centaine au total, à l'intérieur mais aussi à l'extérieur du domaine.

Je suis sidéré et effrayé par l'organisation presque parfaite : tout en fait est matière à occuper les prisonniers, à les faire travailler gratuitement pour le Reich.
Ainsi, selon les informations que je reçois, il existe des ateliers de recherches techniques automobiles, une menuiserie, un chantier de récupération de matériaux de toutes sortes, un parc de réparations automobiles, ...

En fait il s'agit d'un véritable complexe industriel mais qui n'est pas encore totalement achevé car Hempel m'informe qu'une partie des prisonniers est affectés à la construction du camp : bâtiments, routes, fossés, défrichage de nouveaux espaces dans la forêt,...

Puis il me conduit à l'intérieur du camp, me demande de grimper au sommet du mirador qui permet de surveiller la place d'appel et il m'informe que dans un premier temps, mon travail est simple : je dois surveiller les alentours, le doigt posé sur la gâchette de ma mitraillette. Si un détenu franchit les limites autorisées, je dois l'abattre immédiatement.

Nous sommes deux au sommet à faire le guet depuis le mirador : le soldat avec lequel je dois désormais faire équipe me demande si j'étais informé de la manière de fonctionner du camp et je lui réponds dans la négative.

Effaré, je l'écoute me décrire la procédure de l'appel du matin : tous les détenus sans exception doivent, tous les matins avant leur journée de travail, venir s'aligner sur la vaste place semi-circulaire en dessous de nous en provenance de leur block respectif, leur baraquement.

Naturellement, ils ne peuvent ni parler ni bouger et ils doivent attendre que le commandant du camp se place face à eux et donne l'ordre de débuter l'appel. Block après block, les détenus sont comptés et il ne peut y avoir d'erreur.

Le soir, mon coéquipier, dénommé Ludwig, m'explique qu'il y a un nouvel appel et que si nécessaire, les prisonniers doivent rester au garde à vous et que cela peut aller jusqu'à sept heures d'affilée.

Tandis qu'il fixe attentivement la place, il me détaille presque avec délectation les diverses sanctions que risquent chaque détenu en cas de non-respect du règlement : il y a d'abord la prison dont les cellules obscures ne permettent pas de s'asseoir ou de se coucher. La punition peut varier de 28 à 42 jours avec ou sans privation de repas.

Les sentiers de l'espérance {publié aux éditions Poussière de Lune}Where stories live. Discover now