douze

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« 25 septembre 2015, 21h59.


Caleb Ellis s'est installé à côté de moi à la pause déjeuner. Je ne sais pas s'il s'est rendu compte de ma présence, mais la sienne à à peine quelques centimètres de mon épaule a suffi à perturber mon repas. J'étais incapable de faire le moindre geste de façon fluide et naturelle, mes muscles s'étaient automatiquement crispés en sa présence.

C'est pitoyable, je sais.

Jasmine ne m'a pas quittée du regard. Plus ou moins discrètement, elle m'a invitée à me détendre, mais j'en étais tout simplement incapable. Je sentais mon coeur tambouriner sous ma poitrine, si fort qu'on aurait presque dit que la fanfare du lycée avait soudainement débarqué au sein de ma cage thoracique et s'était mise à jouer l'hymne national des Etats-Unis. Après ça, je n'ai plus prononcé le moindre mot du déjeuner, hormis le minable "Non, ça va" un peu chevrotant que j'ai laissé échappé lorsque Daniela m'a demandé si quelque chose n'allait pas ou si j'avais de la fièvre, me faisant très indiscrètement remarquer que j'avais viré au rouge vermillon. Je l'ai maudite et ai prié pour que Caleb n'ait pas entendu sa remarque.

Par ailleurs, je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter secrètement sa conversation avec ses amis. (Maintenant que je l'écris, j'admets que c'était sûrement très déplacé d'agir de cette manière, et je n'en cache pas ma honte.)

Mais il n'a pas beaucoup parlé.

N'ayant pas pu m'empêcher de jeter un rapide coup d'oeil à son joli minois, j'ai constaté son humeur froissée. Il avait l'air complètement dépité, pour tout dire. Lui qui a toujours le sourire aux lèvres, ça ne lui ressemblait pas d'afficher une moue aussi sombre ; ça m'a contrariée de le voir dans cet état. Il était complètement perdu dans ses pensées, le regard fixant d'un air vide les pâtes tièdes sur son assiette et retournant certainement les mêmes cent de questions qui lui trottaient depuis des heures. Sa main était posée près de mon plateau, j'avais envie de la prendre, et la serrer entre mes doigts, lui sourire et lui dire que tout allait bien se passer. J'avais tout simplement envie de le prendre dans mes bras, lui donner un baiser de réconfort et lui rendre l'éclat qui s'était éteint sur son visage.

Et puis, son ami Austin lui a lancé :

"C'est bon, Cal'. Tu vas pas chialer sur Mia toute ta vie."

Ce à quoi il a répondu, un peu à cran :

"C'est pas toi qui viens de te faire larguer après six mois de relation avec le fameux : c'est pas toi, c'est moi."

"D'accord, mais c'est pas comme si t'étais amoureux d'elle !" a lancé l'autre - Luke, je crois.

"Peut-être bien que si."


J'ai soudain ressenti comme de la rage.

J'ai toujours eu conscience de l'absence de toute possibilité d'idylle avec Caleb, de cette fatalité, et ça m'a toujours attristée. Je sais pertinemment que je n'ai aucun droit de propriété sur lui, mais là n'était pas le problème.

Je ne sais pas si c'était de la jalousie envers la dite "Mia", mais l'idée qu'elle puisse rejeter l'affection, l'amour de Caleb Ellis avec autant d'indifférence, qu'elle se permette de le blesser de cette manière, ça m'a mise hors de moi. Je pouvais presque la visualiser en train de jeter les sentiments de Caleb à la poubelle, comme s'ils n'avaient aucune valeur. Faire partie de la vie d'une telle personne est une chance, et la quitter est certainement la chose la plus stupide qu'elle puisse faire. Je ne comprends toujours pas comment il est possible d'être si insensible à un tel cadeau.


Pour conclure sur mon repas, je n'ai mangé que la moitié de mes pâtes tièdes, et mon yaourt aux fruits. »

SamanthaWhere stories live. Discover now