Samantha

prologue

Samantha est partie.

Ca fait déjà trois semaines, et pourtant, j'ai toujours cette impression de l'avoir vue hier.

Elle s'en est allée sans prévenir, nous abandonnant derrière elle, nous, sa famille, et ses amis aussi, sans laisser la moindre trace. Elle s'est volatilisée, tout simplement. Les autres parlent de disparition - d'enlèvement pour les plus pessimistes. Maman a même contacté la police pour partir à sa recherche. Pour moi, c'est une fugue. Ca a toujours été une fugue.

Il pleuvait ce matin-là, et le soleil se levait à peine derrière d'épais nuages gris lorsqu'elle est partie prendre le bus pour aller au lycée. Elle portait son ignoble coupe-vent orange, et avait enfilé ma paire de bottes fourrées. Mes préférées. De deux ans mon aînée, elle a toujours été un peu plus petite que la moyenne, et il nous arrivait souvent de nous partager notre garde-robe.

Je lui ai fait promettre d'y prendre soin, et pour toute réponse, elle m'a ri au nez, amusée par l'accent que me faisait prendre mon nez encombré.

- Liz... Tu devrais aller te coucher plus tôt ce soir, elle m'a conseillé. Et repose-toi bien aujourd'hui.

J'ai roulé des yeux, lassée d'entendre tout le monde me rabâcher les mêmes instructions, mais ai docilement acquiescé. Elle m'a embrassé le front, avec peut-être un peu plus d'affection qu'à son habitude, et m'a souhaité un bon rétablissement avant de se diriger vers la porte d'entrée.

- Berci, lui ai-je répondu, le nez toujours bouché, à ce soir !

Et elle a claqué la porte, sans se retourner.

Aux alentours de dix-neuf heures, Maman est venue me réveiller. (La télévision claironnait encore, j'avais dû m'assoupir devant un de ces mauvais téléfilms qui passent en milieu d'après-midi.) Un peu bousculée par ce réveil brutal, elle m'a secouée davantage et m'a gueulé quelque chose que je n'ai pas immédiatement saisi.

- Est-ce que Sam a appelé ?! elle a répété en haussant la voix.

J'ai secoué la tête, confuse, et lui ai demandé ce qu'il se passait. Sourde à ma question, elle s'est levée et s'est tenue la tête entre les paumes, l'air complètement affolé. Erik a tenté de la calmer, lui assurant qu'il ne s'agissait sûrement que d'un simple retard, que Sam était probablement de sortie avec ses amies et qu'elle avait décidé de se rebeller en tardant, que c'était normal chez une adolescente de dix-sept ans. Il avait tort, ma soeur n'était pas ce genre de fille, elle était bien plus maligne que ça, je le savais.

- Non, tu ne comprends pas... Le lycée a appelé, et elle n'a pas été en cours aujourd'hui ! J'ai essayé de l'appeler plusieurs fois, mais je tombe directement sur sa messagerie... Oh mon Dieu Erik !

Samantha était partie. Elle n'est jamais revenue.

Et c'est comme ça qu'elle s'en est allée avec son coupe-vent orange et mes bottes, ne me laissant derrière elle que son journal, caché son mon matelas.