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D'habitude, j'ai horreur de demander de l'aide. Par exemple, quand je suis perdu dans une ville que je ne connais pas, je ne m'arrête jamais pour demander mon chemin. Je commence par consulter le GPS de mon portable. Si je n'ai plus de batterie, je cherche un plan. Et, si je ne trouve pas de plan, je me fie à mon instinct. Mais jamais, jamais, jamais je ne demande mon chemin.

Ne me demandez pas pourquoi. Je sais bien que, dans l'immense majorité des cas, les gens sont plutôt gentils et cherchent à vous aider du mieux qu'ils peuvent. Je sais qu'ils ne demandent qu'à être aimables et à rendre service. Mais c'est plus fort que moi, je refuse toujours obstinément de demander mon chemin. Du moins jusqu'à ce que, complètement perdu et désespéré, je me résigne à le faire.

Je crois que je déteste qu'on soit gentil avec moi. Peut-être que ma belle – mais néanmoins très impudique – inconnue est comme moi ? Qu'elle déteste qu'on la traite comme l'immense majorité des hommes traitent les belles jeunes filles : avec respect, prévenance et gentillesse ?

Je trainais dans la médiathèque-bibliothèque depuis trois bonnes heures sans avoir trouvé le moindre ouvrage qui puisse m'aider. A quatorze heures trente, j'avais reçu un message de Kevin me demandant où j'étais et si j'étais malade. Bonne idée, ça, la maladie. Je lui répondis qu'en effet, je me sentait un peu barbouillé mais que, bon, c'était rien de grave et que je prendrai juste mon après-midi pour me reposer et être en pleine forme demain. Qu'il me croit ou non, ça m'était égal. De toute façon, il ne risquait pas de deviner la réalité !

Finalement, je me suis dis qu'il valait peut-être mieux demander l'avis d'un spécialiste. Et je me suis dirigé vers la bibliothécaire la plus jeune, celle que je pensais avoir l'esprit le plus ouvert. Elle avait à peu-près mon âge. Cela faciliterait les choses.

« -Bonjour, mademoiselle. Je cherche un ouvrage de référence sur le masochisme. »

Elle m'a longuement regardé, de haut en bas, puis de nouveau de bas en haut.

« - Madame », a-telle répondu.

« Euh, oui, madame, avez-vous des livres sur le sujet ? »

Je ne sais pas ce qu'il y avait, mais elle s'est mise à souffler, comme si j'étais la deux-centième personne de la journée à lui poser cette question. Etait-il possible qu'une sorte d'épidémie se fût abattue sur la ville et que des centaines de jeunes filles se prennent pour des Sainte Thérèse d'Avila ? En version porno hard.

Elle pianota quelque chose sur son ordinateur puis tourna l'écran vers moi en me disant « Voilà, faites votre choix ».

Il y avait au moins une centaines de livres à son catalogue.

« Il y en a beaucoup » dis-je.

« Oui, c'est à la mode en ce moment. »

Je trouvais ça incroyable ? Y avait-il vraiment des filles qui fantasment sur ça ? Qui rêvent de devenir des esclaves dans un harem ? De se faire violer par des loubards ? D'être ligotées et à la merci d'un pervers ? De rencontrer un bad boy très très méchant (mais aussi très riche, faut pas déconner non plus) et qui a d'étranges besoins sexuels ?

Je notais la cote de quelques livres au hasard, puis je suis allé les chercher dans les rayonnages. C'était embêtant car ils étaient mélangés aux autres fictions.

En partant, la bibliothécaire me lança un regard qui oscillait entre le « bonne soirée » ironique et le « pauvre type » méprisant. Je me suis senti rougir et, sur le coup, je me suis dit que ce serai un bon exercice pour vaincre ma timidité mais, à peine sortit de la bibliothèque, je ni pensais déjà plus. J'avais bien d'autres préoccupations.

RoxaneOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz