- Je ne sais pas... «

Ils se bécotent.

« Vos lèvres me sont vaguement familières, mademoiselle...

- Madame... »

Isabelle exhibe son alliance.

« - Il en a de la chance, votre mari...

- Je lui dira à l'occasion monsieur... Monsieur...

- Menthuhautantentviedetoi. Gérard.

- Gérard... Gérard ment autant envie de... »

Ne leur imposons pas notre présence pendant qu'ils pratiquent un coit matinal et retrouvons les quelques instants plus tard, à la table du petit déjeuner. Elle est plongée dans la lecture d'un dos de boite de céréale destinée à entretenir la ligne et la messagerie de son téléphone. Il fait défiler du pouce les mails de la nuit sur l'écran de son smartphone et boit son café de l'autre main.

Cinq minutes plus tard ils sont en train de s'envoyer des SMS d'un bout à l'autre de la table. Les messages contiennent des allusions au cont matinal qui vient de se produire.

Cette relation semble indestructible, parfaite, éternelle ? Normal, je ne suis pas encore entré en scène. Tournons quelques pages du calendrier et retrouvons-nous...

18 mai 2011

Une soirée. Un ami d'Alexandre pend sa crémaillère. Une rousse perchée sur des talons haut comme un mont-blanc (le stylo, pas la montagne), lui trébuche dans les bras. Elle a avalé la moitié du bol de sangria depuis son arrivée, il y a trente minutes. Ses amis sont formels : ce n'est pas du tout dans ses habitudes. Vous êtes libres de croire que c'est le hasard. Vous êtes tout aussi libre de croire que je suis pour quelque chose dans cette ivresse inhabituelle. La rousse a agrippé Alexandre comme un noyé une bouée.

« - Vous êtes beau, vous. Vous êtes libre ?

- Je suis marié.

- Pas important pour moi... Je suis disc-

- Marié et heureux.

- Ah... Tant pis... »

La rousse entre dans son GPS intérieur un itinéraire vers le chesterfield flambant neuf à l'autre bout du salon. Isabelle quitte un petit cercle féminin et s'approche d'Alexandre.

« - Alors, on tombe les filles dès que j'ai le dos tourné? »

BLAM !

La rousse vient de faire connaissance avec le parquet en bois tendre.

« - Pas besoin, elles tombent toutes seules... »

Ils rient. Ils se prennent par la main et se dirigent vers la terrasse.

Alexandre se retourne et jette un coup d'oeil aux courbes, tendues, de la rousse. Isabelle lui donne un coup de coude.

19 octobre 2011

Pour la directrice de l'école où travaille Isabelle, ça a été la réforme ministérielle de trop. Elle en a vu passer des directives, dans tous les sens. Plus de ceci, plus de cela. La réforme qui a débarqué, sous forme de nombreuses pages imprimées serré n'est pas différente des autres. C'est juste celle de trop. Elle craque. Son médecin la rappelle pour un arrêt au stand de trois mois renouvelables.

Il faut bien que quelqu'un se tape les corvées administratives, les relations avec la commune, les réunions de parents et retrouver les chaussettes et les sandales d'Augustine dans les couloirs. Etant la plus ancienne dans le grade le plus élevé, c'est Isabelle qui devient directrice intérimaire, sans lâcher sa classe bien entendu.

Pulling a BradburyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant