Chapitre 23

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AVERTISSEMENT : Ce chapitre contient des éléments qui pourraient heurter la sensibilité de certains


Petit à petit, au fil des claquements qui s'enchaînaient, fatidiques, Kayla se sentit glisser dans un état second. Engourdie, elle regarda les quatre-vingts fouettements suivants.

Thérik se leva de nouveau au moment où l'on traînait le dernier prisonnier hors de la plateforme et Kayla se redressa dans son fauteuil, prête à se lever quand cela serait son tour. Elle avait hâte de s'enfuir de ce balcon de malheur.

Mais son sang se glaça quand le roi prit la parole et s'adressa au nouveau condamné que l'on venait d'amener, la tête couverte d'un sac de jute.

La femme cligna des yeux ay soleil quand on lui arracha le sac de la tête et Kayla poussa une exclamation quand elle reconnut la femme qui l'avait invectivée à l'hôpital à peine deux jours plus tôt, l'épouse de l'homme qui s'était introduit dans sa chambre pour la tuer.

« Vous avez été reconnue coupable de sédition, d'association de malfaiteurs et de trouble à la paix. Vous avez propagé des idéologies mensongères bannies de ce royaume. Vous avez menti, trompé, calomnié et mystifié de loyaux citoyens de notre glorieuse Cité. Vous avez conspiré dans le but d'attenter à la vie d'autrui. Pour l'ensemble de ces crimes, la sentence est la mort ».

Drevill essuya son fouet au creux de sa main gantée puis l'enroula avec soin avant de la confier à son assistant qui, en échange, lui tendit sa lourde épée.

Kayla était incapable de quitter des yeux la femme qui n'était désormais plus que l'ombre d'elle-même. La peau livide et le visage creusé, elle ne tenait debout que grâce aux soldats qui la portait à moitié. Mais c'était sa bouche qui offrait la vision la plus choquante : un épais fil noir serpentait entre ses deux lèvres pour les garder cousues et du sang séché maculait son menton ainsi que son cou. Kayla réalisa que sa langue avait dû être tranchée. La bille lui remonta dans la bouche, elle avait été torturée avant d'être amenée ici pour la sentence finale.

La nourrice fixait le balcon dans un singulier mélange de terreur et de fureur. L'un des soldats la força à se mettre à genoux devant le billot et lui tira brutalement les cheveux. Il en saisit une poignée et les trancha à la base de la nuque. Ses longues boucles poivre et sel tombèrent au sol et s'imprégnèrent du sang poisseux qui le maculait.

En guenilles, presque nue, elle se trouvait dépossédée de toute sa dignité et bientôt de sa vie. Certes au nom du roi, songea Kayla, mais aussi en son nom à elle.

Drevill, renfila sa cagoule et s'adressa à la condamnée. À cette distance et avec le bruit ambiant, Kayla ne pouvait entendre ce qu'elle lui dit, mais elle était douée pour lire sur les lèvres.

Regardez droit devant vous, sans quoi je ne peux vous promettre que ce sera net.

À ces mots, Kayla sentit les dernières bribes de son sang-froid lui échapper. Son corset se resserrait autour de sa poitrine, l'empêchant de respirer.

Il n'y avait pas de décapitations, pas d'exécutions à Tibesti. Elle avait déjà assisté à de nombreuses morts, bien sûr, certaines violentes, d'autres non, mais jamais de la sorte. Et elle n'était pas certaine de pouvoir supporter ce spectacle.

La prisonnière se mit en position et Drevill brandit son épée au-dessus de sa tête. Le public retint son souffle et, malgré elle, Kayla commença à s'agiter sur sa chaise, ce qui lui valut un regard en biais désapprobateur de la part du roi. Elle voulait partir, se lever et se sauver en courant. Jamais elle n'avait souhaité qu'autant de sang ne soit versé pour elle.

Dans l'ombre des flammesWhere stories live. Discover now