Dans l'ombre des flammes

Prologue

Le ciel avait ouvert ses écluses, déversant des torrents d'eau tandis que la femme se frayait péniblement un chemin à travers la forêt, trébuchant sur le sol inégal jonché de racines et de branches mortes.

La peur l'enveloppait comme un linceul, chaque bruissement la faisait tressaillir. Elle se figea un instant et jeta un regard en arrière, terrifiée à l'idée de voir surgir une bête sauvage ou pire, les soldats lancés à sa recherche.

Rien.

Elle se remit en marche, resserrant les pans de sa cape détrempée sur son ventre gonflé, rappel constant du secret qu'elle portait.

L'épuisement avait envahi son corps et son esprit des jours auparavant, mais elle avait continué d'avancer, le désespoir alimentant ses pas.

Ses yeux se remplirent de larmes alors qu'elle se remémorait la vie qu'elle avait dû quitter avant de se retrouver à fuir un époux autoritaire qui ne manquerait pas de la réduire en poussière s'il venait à découvrir la véritable filiation de l'enfant qui grandissait en elle.

Cependant, malgré la fatigue et le deuil d'un amour sans avenir, elle ne pouvait se résoudre à s'arrêter avant d'avoir mis son bébé en sécurité.

Elle avait un plan. Un plan qui impliquait, entre autre, de ne jamais retourner dans les salles immenses du palais où les secrets vous étouffaient et où un simple chuchotement était à même d'apposer le point final d'une généalogie multicentenaire.

« Tu ne payeras pas pour nos erreurs », murmura-t-elle dans son cœur, le sel de ses larmes se mélangeant à la pluie torrentielle qui la frappait toujours sans pitié.

Brusquement, le sol se déroba sous ses pieds et elle chuta jusqu'en bas d'un talus, protégeant du mieux qu'elle le pouvait son précieux abdomen. La panique l'envahit alors que la douleur irradiait son corps. Grimaçante, elle se remit sur pied et s'appuya contre un arbre, s'accordant quelques instants pour souffler.

Ce faisant, elle dû se rendre à l'évidence : elle ne pouvait pas continuer ainsi.

Du regard, elle dénicha un abri où attendre la fin de l'orage et se dirigea, haletante, vers un creux caverneux au pied d'un grand chêne.

Se recroquevillant dans les entrailles de l'arbre, elle se laissa aller et se roula en boule sur le tapis sec de feuilles mortes.

*
*  *

La sensation d'un souffle chaud sur sa joue lui fit entrouvrir les yeux. La pluie semblait s'être arrêtée et l'obscurité avait couvert la forêt de son voile de tranquillité. Seul le bruissement du vent dans les arbres venait troubler le silence. Bien qu'elle ne put à peine garder les yeux ouverts, un instinct enfouit au plus profond de ses os lui murmura qu'un être d'un autre monde évoluait autour d'elle.

Un tout petit point de lumière vint virevolter près de son visage, puis un autre et encore un autre jusqu'à ce qu'une silhouette éthérée de femme se matérialise devant elle. Sa lumière s'atténua jusqu'à ce qu'elle puisse discerner les traits purs son visage.

L'Élémentaire lui sourit avec un regard compatissant – d'une profondeur ordinairement dissimulée aux yeux des mortels – et se pencha, ses longs cheveux tombant de son épaule pour venir effleurer la jeune femme qui la regarda faire sans protester.

De petits filaments de lumière se détachèrent de la forme de l'élémentaire et enveloppèrent le corps engourdit par le froid et l'épuisement dans un cocon lumineux. L'énergie s'infiltra dans sa peau, rajeunissant son corps épuisé suffisamment pour qu'elle trouve la force de se battre un jour de plus.

Inconsciente du salut qui lui était offert, la jeune femme se laissa envahir la douce torpeur la guidant avec douceur vers un sommeil paisible. Un répit momentané et la certitude que son souhait avait été exaucé.