Chapitre 16 : appartements

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          Edith rangeait son studio en écoutant, d'une oreille distraite, son dessin animé préféré. Elle le connaissait tellement par cœur qu'elle pouvait deviner les expressions des personnages rien qu'en écoutant leurs répliques.

La jeune femme les imitait en gesticulant. Elle se savait être une piètre actrice, mais elle prenait tout de même un grand plaisir à copier ses personnages préférés.

« Attention ! » cria soudain Gustave.

Edith se retourna vivement.

« Quoi ? »

« Le mixeur ! »

Elle fit volte-face et attrapa in extremis l'objet qui tanguait dangereusement au-dessus d'une pile de maïs en conserves. Dans son empressement, plusieurs tablettes de chocolat tombèrent. Le son suspect qui suivit lui indiqua qu'elles s'étaient brisées dans leur réception.

« Oh, non... » se lamenta-t-elle en restant figée, le mixeur rescapé entre ses mains.

La cuisine était sens dessus dessous : tous les placards étaient éventrés, les victuailles alignées sur le plan de travail s'entassaient les unes sur les autres, paquets, pots, barquettes, légumes et conserves ne faisaient qu'un ! Le chat avait fui en se réfugiant sur le radiateur, l'unique espace libre. Le tas de nourriture empaqueté proliférait à vue d'œil dans la cuisine. Le mixeur semblait avoir été exclu du navire par ses congénères.

« Il était moins une ! » s'exclama-t-elle en se redressant.

« Range son câble, tu vas t'emmêler les pieds dedans. »

La jeune femme lui lança un regard noir.

« Oui, bon, fais comme tu voudras. » soupira Gustave en s'éloignant.

« Et merci pour le mixeur ! » lança Edith en posant l'appareil à côté du carton où il avait tenté de mettre fin à ses jours. Ses doigts enroulèrent le câble autour de l'objet miraculé.

Gustave poussa un grognement lointain. Elle sourit. Le reflet avait le don de la faire sortir de ses gonds parce qu'il avait presque toujours raison. Malgré tout, il voulait réellement son bien depuis qu'elle avait l'âge de mettre à profit son talent de maladroite confirmée.

Elle avisa la pièce où le désordre ambiant ne semblait jamais s'estomper malgré tous ses efforts. Il y avait du boulot sur la planche ! Un déménagement était toujours un casse-tête d'organisation. Edith était doué pour cadrer sa vie quotidienne, mais dès qu'il n'était plus sujet de celle-ci, elle perdait tout son esprit méthodique. Elle se laissait déborder.

Son horloge indiquait quatorze heures. Diantre ! Il ne lui restait plus qu'une heure avant la visite de l'appartement ! Le chat blanc vint se frotter contre ses jambes en ronronnant.

« Ah, tu as faim, toi. » sourit Edith.


Une demi-heure plus tard, elle fermait la porte à clé de son appartement. Le chat avait été nourri, la cuisine avait été vidée grossièrement, Edith pouvait partir l'esprit tranquille. Gustave dégringola les escaliers avec elle.

« Oublie pas tes pilules Edith ! » lui rappela-t-il lorsqu'ils passèrent la porte de l'immeuble.

Le soleil avait troqué sa nudité pour un épais manteau de nuages. L'air était tout de suite plus froid et humide. Le temps s'annonçait pluvieux.

« Zut ! Oui, tu as raison ! » remarqua Edith. « Mes pilules. »

Elle s'empressa de trouver dans son sac à main la petite pochette rose. Entre un paquet de mouchoirs et son éternel rouge à lèvre abandonné, elle trouva sa plaquette de médicament. La jeune femme avisa l'immeuble.

Le Souffle de Nos RefletsWhere stories live. Discover now