Chapitre 8 : soleil & croissant

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          La montagne de sacs que portait en équilibre le propriétaire était sidérante. Pour quelle raison avait-il fait autant de courses ? Préparait-il un événement ? Edith n'eut pas le temps de se pencher davantage sur la question qu'il baragouinait déjà :

« Mademoiselle Boran ! Quelle belle surprise ! »

Juliette resta en retrait, faisant mine de chercher quelque chose dans ses poches. Edith, quant à elle, ne pouvait pas esquiver la conversation.

« Bonjour Monsieur, pour l'histoire du chat je... » commença-t-elle en faisant des gestes de la main.

« Faites, faites, je vous laisse bien quelques jours pour vous organiser. Réglons cela avant mercredi, voulez-vous ? »

« Très bien merci »

Il s'approcha, le nez tendu en l'air et les sourcils haussés sur le ton de la confidence.

« Auriez-vous entendu le bruit qui court ? »

Edith fronça les sourcils. De quoi parlait-il ? Pas de l'agression de Juliette quand même ! Il était sur le point de lâcher le morceau comme s'il n'attendait que ça depuis le début de la conversation. Elle ne devait sûrement pas être la première à écouter ce qu'il brûlait de révéler.

« Euh... Dites-moi ? »

« Ces terroristes ont encore frappé ! Un mort ! Un policier en plus ! Imaginez un peu... » éclata-t-il en levant les yeux au ciel.

L'azur ne lui accorda qu'une réponse silencieuse. Il soupira l'air las : il ne trouvait décidément de sens à rien.

« Encore un attentat des échos ? » comprit Edith d'une voix prudente.

« Qui d'autre ? » Il planta son regard vieilli dans celui de la jeune femme. « Ce matin, ils auraient attaqué un poste de police en balançant une grenade assez petite pour passer entre les barreaux d'une fenêtre ! Il faut arrêter ces criminels ! » renchérit-il.

Edith acquiesça, l'air désolé.

« C'est bien malheureux... On n'est jamais à l'abri ces jours-ci. »

« Ah ça ! Vous dites bien ! »

Un sac faillit tomber en avant, il le rattrapa de justesse d'un coup de bras. Une guirlande dépassa de l'emballage. Sous l'œil curieux d'Edith, le propriétaire afficha une mine gênée.

« C'est pour ma petite fille. Son anniversaire. »

« Oh, elle en a de la chance ! » s'exclama Edith en souriant.

Le propriétaire lui avait toujours paru lugubre mais poli. Il cachait derrière son masque hypocrite, un cœur de grand-père attentionné finalement. L'image qu'avait collée Edith sur lui vola en éclats.


          Les croissants narguaient Lucien derrière leur vitrine. Leur allure briochée cachait de délicieuses dentelles de couches aussi fines les unes que les autres. Le jeune homme pouvait presque sentir leur odeur chaude et douce. Il rageait de ne pas pouvoir se pencher contre la paroi de verre. À quelques mètres de la boulangerie, il restait en retrait : il ne fallait pas que son reflet apparaisse sur le verre. La rue était passante, le marché du centre-ville était à quelques rues non loin de là. Lucien était sur ses gardes.

Les viennoiseries semblaient se moquer de lui avec leurs courbes dodues ! Leur couleur de miel ! Il n'y tint plus. Il ne roulait pas sur l'or, d'ailleurs, il aurait dû économiser le peu qu'il possédait : son déjeuner au Cheval blanc du lendemain avec Suzanne l'imposait. Mais Lucien ne résista pas au croissant victorieux.

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