Chapitre 5 : thé chaud & explication

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          Le vent glacial lécha les jambes d'Edith. Elle frissonna. Ses oreilles devaient sûrement être rouges : elle ne les sentait plus vraiment.

La lumière jaunie des lampadaires éclairait la rue déserte devant elle. Assise à un banc public, elle se gelait les fesses.

« J'ai besoin de réfléchir. »

Une buée blanche sortit de sa bouche. Elle soupirait.

« Moi, devenir une espionne ? Pour la police ? Et supporter les voix des reflets à longueur de journée ? »

Edith frotta son front de ses doigts aux extrémités presque violettes.

« Je n'ai pas eu le choix de faire carrière dans la PRP. C'est vrai ça, moi, la pauvre Eban malade, le poids en trop... Ils me résument tous à ce que je suis : une anomalie, une erreur. Ils se font passer pour les gentils en me donnant du travail. Comme si j'allais oublier que je n'ai pas le choix... »

La boule qu'elle retenait dans sa gorge depuis l'entretien se fit plus grosse.

Soudain, son téléphone vibra dans sa poche. Elle le prit en ayant du mal à l'allumer : ses doigts étaient gelés. C'était Lucie qui l'appelait. Bizarre à cette heure-ci.

« Allo ? » fit-elle en soufflant sur sa main droite, l'objet contre son oreille gauche.

« Salut Edith. J'ai euh... Besoin de ton aide. Tu es chez toi ? »

« Ah ? » Elle se redressa en regardant droit devant elle. « Je suis dehors. Tu veux que je te rejoigne ? »

« Rejoins-moi chez toi. »

Lucie raccrocha.


Deux silhouettes l'attendaient devant son immeuble. Edith reconnu tout de suite Lucie et sa position élancée. Elle jetait sans arrêt un coup d'œil derrière elle. Ça ne lui ressemblait pas. Une jeune fille plus jeune se cachait dans son manteau un peu trop grand. Leur ressemblance la frappa malgré la pénombre.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? » commença Edith en sortant ses clés de son sac.

« Parlons-en une fois chez toi », répliqua sa collègue.

Edith n'en croyait pas ses oreilles. Depuis quand Lucie lui parlait-elle sur ce ton ? Toutefois, le regard anéanti de la jeune fille, la copie miniaturisée de Lucie, serra le cœur d'Edith. Cela devait être grave. Elle décida de se plier à l'ordre de sa collègue.

Elles gravirent les escaliers en aidant de chaque côté la jeune fille blessée à la cheville.

Enfin la porte salvatrice de son studio lui apparut comme une oasis dans un désert. Les trois femmes s'engouffrèrent dans l'antre d'Edith. Une fois la porte fermée, elle leur désigna le minuscule canapé usé du salon. Aucun signe du chat.

« Asseyez-vous. »

Edith resta debout et croisa ses bras. La joue violette de l'inconnue lui fit froid dans le dos.

« Allez-vous enfin me dire ce qu'il se passe ? Pourquoi tu as besoin de moi, Lucie ? Et qui es-tu, toi ? Sa sœur ? Tu ne devrais pas voir un médecin ? Ta cheville est en mauvais état et ton visage... »

La jeune fille acquiesça sans un mot. Son regard se perdait dans la contemplation du sol. Elle avait l'air choqué.

Lucie croisa ses jambes.

« C'est bien ma sœur, Juliette. Elle vient de... De se faire attaquer par un homme. »

Edith ouvrit grand ses yeux en gardant le silence un instant. « Comment tu te sens ? » fit-elle finalement en direction de Juliette.

Le Souffle de Nos RefletsTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon