Chapitre 20 - Partie 2/3

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[TW / Avertissement de contenu : les chapitres 20 et 21 peuvent être assez éprouvants, avec une montée en tension angoissante.]

« Justine, calme-toi ! »

Axel. C'est la voix d'Axel qui lui parvient de là-bas, au milieu du grincement des chaises. Mais le bruit est toujours là, terrifiant. Elle se souvient de cette autre petite fille, tremblant sur le sol alors que l'électricité lui parcourait le corps. Tant de violence pour quelques mots, pour quelques pleurs.

« Justine ! Vous allez blesser quelqu'un !

– Docteur, sortez de là, je vais la calmer... »

Pourquoi est-elle revenue ici ? Le goût du sang, le goût du sang dans sa bouche après la gifle parce qu'elle ne voulait pas manger.

« Justine, je suis là. »

Ils la tiennent, ils veulent la redescendre en bas, la punir d'avoir été malade, elle ne veut pas être dans le noir, pas si longtemps...

« Justine, c'est moi, tout va bien. Je suis là. Respire. »

Axel. Axel est là. C'est lui qui la serre dans ses bras. Elle se force à rouvrir les yeux pour quitter ce cauchemar éveillé. Elle s'aperçoit qu'elle est au sol, sans doute s'est-elle roulée en boule pour se protéger. Quelques chaises planent non loin d'eux et retombent dans un énorme fracas un instant plus tard.

« Je suis désolée, murmure-t-elle.

– Ce n'est rien. Tout va bien. »

Elle se relève, jambes flageolantes, soutenue par son tuteur.

Les souvenirs lui reviennent par flashs, bribes violentes remontant du fond de son esprit. Mais parmi ces fragments effrayants, il y a aussi l'image du garçon. Le visage qui la fuyait en rêve lui revient presque nettement. Sa peau dorée, ses cheveux d'un noir de jais, son regard presque aussi sombre... Mais son prénom lui échappe encore. Il commençait comme un chuchotis, puis se déroulait comme une vague sur la langue.

Agrippée à Axel, elle essaie de se souvenir. De retrouver le moment le plus doux qu'elle ait connu ici.

« Même si c'était interdit, dès que je savais que les gardes ne me verraient pas, je fixais le garçon du regard. Je ne sais pas pourquoi je voulais à ce point qu'il me remarque. Peut-être parce qu'il était différent des autres, qu'il continuait à se battre. Ou qu'au contraire, je sentais qu'il commençait à perdre pied. Je ne voulais pas qu'il devienne comme les enfants au regard mort. Et lui aussi, il a fini par me regarder. C'était risqué, mais il n'a pas eu peur. Et tu n'imagines pas à quel point ça me faisait du bien, ces regards qu'on se lançait. »

Elle s'arrête un moment quand les larmes chatouillent ses joues. Axel est toujours là, tout près d'elle, présence rassurante dans ce monde de douleur. Elle cherche encore son prénom. Chuchotis chaleureux. Chhh... Elle s'en approche, mais il continue de lui échapper, alors elle reprend son histoire.

« Un jour, ils l'ont assis à côté de moi. C'était un hasard, parce qu'ils nous bougeaient tout le temps, mais c'est arrivé. Je voulais lui parler. J'étais terrifiée à l'idée qu'ils pourraient nous entendre, malgré le bruit des couverts contre les assiettes. J'avais peur du pistolet électrique, mais... »

Elle cherche, au plus profond d'elle, les mots exacts qu'elle a prononcés ce jour-là. Est-elle capable de les retrouver ? Elle les avait murmurés.

"Je m'appelle Justine Dubois. Et toi ?"

« Je lui ai dit comment je m'appelais. Et il m'a répondu. »

Il lui a chuchoté son prénom. Elle l'a là, sur le bout de la langue, il est prêt à chasser les ténèbres qui l'entourent, prêt à lui rendre un peu de chaleur, comme un charme qui la protègerait. Cha... Chane...

"Sándor. Je m'appelle Sándor."

« Sándor. Sa voix roulait sur la fin de son prénom. Je crois que je lui ai dit autre chose, ensuite... »

"Oublie pas comment tu t'appelles."

« Il m'a donné la main sous la table, jusqu'à ce que ça devienne trop dangereux. C'était tellement agréable, j'aurais voulu qu'il ne me lâche plus jamais. Et à chaque autre repas, on se cherchait du regard, et si on le pouvait, on se souriait. On n'a plus arrêté de se sourire quand les gardiens étaient trop loin pour nous voir. Jusqu'à ce que... »

Sa voix s'éteint. Elle essaie de se ressaisir quand la porte d'une armoire métallique claque. Axel continue de la serrer contre lui sans un mot ; la tête posée contre son buste, Justine cale sa respiration sur celle de son tuteur.

« Sándor est mort, souffle-t-elle. Du jour au lendemain, ils l'ont emmené. Je ne l'ai plus jamais revu. Il fait partie de ceux qui n'ont pas survécu aux expériences. Et je m'en veux d'avoir essayé de l'oublier. J'ai cru que ce serait plus simple si je ne pensais plus à lui, mais la vérité, c'est qu'on ne guérit jamais de ces choses-là, n'est-ce pas ?

– Je suis désolé, Justine... »

Ils restent encore un moment ainsi, à court de mots, puis Justine se décolle doucement d'Axel.

« Tu peux aller chercher Lefort, s'il te plaît ? Qu'on continue. »

Qu'ils en finissent. Elle serre les poings en regardant son tuteur s'éloigner. Elle peut le faire. Elle peut descendre.

Un léger bruit dans son dos la fait sursauter et elle se retourne vivement, le cœur déchaîné. Elle est proche de la porte qui menait à la cuisine et c'est de là-bas que le son provenait. Est-ce qu'il y a des rats ? Ce ne serait pas très étonnant, peut-être même des bêtes plus grosses. Les adultes reviennent, et elle s'éloigne de la porte et leur indique l'une des armoires métalliques.

« C'est celle-là qu'il faut pousser. »

Voilà, on a découvert le prénom du garçon qui a tant compté pour Justine lors de sa captivité

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Voilà, on a découvert le prénom du garçon qui a tant compté pour Justine lors de sa captivité.
Sándor.
Pour la petite histoire, c'est un prénom hongrois, il ne se prononce donc pas comme il se lit. le S se prononce "ch", le N est sonore, ce qui veut dire que le "án" se prononce comme "âne", et le R final se roule.

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