Chapitre 6 - partie 1/2

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Le jour se lève et Axel ne tarde pas à l'imiter. Malgré les souvenirs qui n'ont cessé de remonter cette nuit, il se sent reposé, physiquement comme mentalement. La plante des pieds collée au sol, il s'étire vertèbre après vertèbre, puis ouvre la fenêtre et les volets, laissant entrer l'air frais de l'automne ; le ciel est gris, chargé de nuages lourds d'une pluie qui s'abattra bientôt sur la ville. Peut-être pourront-ils aller au cinéma tout à l'heure, et trouver un vide-grenier à parcourir demain matin si la météo s'avère plus clémente.

Un coup d'œil en direction de l'interphone lui indique que Justine dort encore ; il va pouvoir s'adonner à sa séance de tai-chi en toute tranquillité. Avant de quitter sa chambre, il vérifie son téléphone et y trouve un message de Bart. Son ami a enquêté sur Vincent et, à part un redoublement au collège et deux avertissements pour des bagarres à la même époque, il n'a rien à se reprocher. Tant mieux, Axel n'aurait pas aimé devoir s'opposer à cette amitié naissante.

Dans le salon, il déplace la table basse pour libérer de l'espace puis commence une série de mouvements déjà répétée des milliers de fois. Plongé dans ces exercices, il arrive à en oublier le monde extérieur.

L'oubli. Ce à quoi il aspire si souvent. Ce qu'il n'atteindra jamais plus de quelques minutes rituelles.


Pour Justine, cette nouvelle semaine est passée à une vitesse folle. Repoussant ses craintes, elle a invité Vincent à s'asseoir à côté d'elle dans plusieurs cours et, comme s'il avait compris qu'elle a parfois besoin de calme, il ne s'est pas imposé quand elle ne l'invitait pas clairement à le rejoindre.

Doit-elle désormais le considérer comme un ami ? Est-ce comme ça que lui la voit ? C'est un mot qui lui semble tellement étrange. Étranger. En a-t-elle jamais eu ? Si elle aime passer du temps avec Bart, elle l'a toujours considéré comme un grand frère. Et Axel ? Peut-on appeler une personne payée pour vous élever et vous protéger un ami ? Sa relation avec lui ne peut de toute façon pas s'arrêter à un seul mot.

Il y avait peut-être ce garçon... Celui qui lui souriait, là-bas. Celui à qui elle avait parlé. Elle a essayé de le bannir de son esprit, comme tous les souvenirs de cette partie de sa vie, puis elle a regretté ce choix. Mais depuis, son prénom lui échappe, et cela la désole. Parfois, il apparaît dans ses cauchemars, mais à son réveil, son visage s'évapore lui aussi. Oui, il était son ami. Et il lui manque plus que de raison.

« Justine, ça va ? »

Elle cligne des yeux et se retrouve face au visage inquiet de Vincent. Elle réalise qu'elle s'est arrêtée en plein milieu de la rue.

« Pardon. Je crois que... je m'étais perdue dans mes pensées.

– Ouf, je croyais que c'était ce que je te demandais qui te faisait cet effet. Par curiosité, à quel moment t'as arrêté de m'écouter ? »

Justine se sent rougir, mais le grand sourire de Vincent la rassure.

« Quelque part entre le gymnase et le premier feu tricolore ?

– C'est ta façon de me dire qu'en fait, t'as absolument rien écouté ?

– L'EPS a annihilé ma capacité d'attention, se justifie-t-elle.

– Alors je vais aller droit à l'essentiel, cette fois : je reste une semaine ici avant de partir chez mon père, pour ces vacances. On pourrait se voir un peu ? »

Ils arrivent devant chez elle, et Justine réalise qu'elle n'a pas vraiment envie de lui dire au revoir.

« Enfin si tu veux pas, dis-le. Pas de problème.

JustineWhere stories live. Discover now