Chapitre 18

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Le couloir. Tellement grand. Il résonne de ses pas. L'escalier n'est pas loin.

Elle sera bientôt dehors. Libre. Mais ils sont derrière elle. Les hommes en blanc.

L'escalier n'est pas loin. Il fait froid. Ce sont eux. Ils approchent. Elle doit courir.

Il fait si froid. Ils vont la rattraper. L'enfermer à nouveau.

Elle doit atteindre l'escalier. Mais il ne se rapproche pas.

Une grande main saisit la sienne. Chaude. Douce.

Il court devant elle. Le garçon. Sans la lâcher. Il est grand. Fort.

L'escalier approche. Un peu. Le froid s'éloigne. Un peu.

Elle a peur de le perdre. Peur qu'il la lâche.

Mais l'escalier approche. Le froid a disparu.

Elle ne doit pas voir son visage. Elle le sent. Il est venu la sauver. Ils vont quitter cet enfer.

Mais il ne doit pas la regarder. Elle le sait.

Il monte la première marche. Elle le suit. Elle ne s'arrête pas.

Ils montent. Marche après marche. Elles ne s'arrêtent pas.

L'escalier est sans fin.

Il tourne la tête de moitié. Il ne doit pas faire ça. Pas la regarder.

Ils sont là. Tout autour. Ils les surveillent. Ils les puniront.

Elle voit la dernière marche. La sortie.

Ne pas se regarder. Encore quelques instants.

Rester silencieux. Juste un petit moment.

Il se retourne.

Elle croise son regard.

Leurs mains se séparent. Plus d'escalier sous ses pieds. Elle tombe. Il tend la main. Elle aussi. Il est trop loin. Le sol l'aspire. Elle veut crier son nom. Elle ne s'en souvient pas. Le sol l'avale. Elle ne sent plus son corps. Elle veut crier. Elle n'arrive plus à respirer.

Elle étouffe.

Noir.


Justine se redresse dans son lit, aspirant une grande goulée d'air avant de tousser violemment. L'instant d'après, la porte de sa chambre s'ouvre d'un coup, lui arrachant un sursaut alors que son cœur menace de quitter sa poitrine. Axel, ce n'est qu'Axel qui marche à grands pas pour venir la serrer contre lui. Elle s'abandonne aux larmes, l'esprit encore trop confus pour se sentir réellement en sécurité.

« J'ai essayé de te réveiller à travers l'interphone, lui murmure-t-il, mais tu ne m'entendais pas.

– J'étais... là-bas. C'était horrible.

– C'est fini. »

Non. Ce n'est pas l'impression qu'elle a. À chaque fois qu'elle pense aller mieux, qu'elle se sent heureuse, ses cauchemars viennent lui rappeler son passé. Aussi irréelle que soit la scène de son rêve, le couloir, l'escalier de métal... c'était le sous-sol de ses souvenirs, celui qu'elle parcourait chaque matin et chaque soir avec les autres enfants, sous le regard ferme de quelques hommes.

« Je vais prendre une douche. »

Elle a besoin de respirer. De réfléchir. Seule.

Son reflet dans le miroir la surprend ; ses cernes sont profonds, elle a l'impression de ne plus avoir le même visage que quelques heures auparavant. Elle détourne les yeux avant de retirer son pyjama. Un zombie, voilà de quoi elle a l'air. Elle devait ressembler à ça, là-bas, épuisée en permanence. Bon sang, pourquoi faut-il qu'elle y pense alors qu'elle essaie de chasser son cauchemar ? Elle règle la température de l'eau puis glisse la tête sous le pommeau de douche en fredonnant Dust In The Wind pour tenter d'endiguer les souvenirs qui affluent violemment. Elle revoit le garçon. Elle revoit son visage. Se sent glacée de l'intérieur. Augmente la chaleur du jet avant d'appuyer ses mains sur le mur face à elle. Elle ne peut pas oublier. Des années qu'elle essaie, mais ça ne fonctionne pas.

JustineWhere stories live. Discover now