Chapitre 19 - Partie 2/2

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Ils ont quitté l'autoroute depuis une vingtaine de minutes au moins et roulent maintenant sur une petite route perdue entre des champs d'un côté et une forêt de l'autre. Axel a ralenti, à la recherche d'un sentier de terre qui n'a peut-être pas été emprunté depuis des années. Ne tenant plus en place, Justine abandonne son MP3 sur la banquette et détache sa ceinture pour pouvoir se rapprocher de son tuteur.

« On y est presque, alors ?

– Voilà le chemin. Ça va secouer, tu devrais remettre ta ceinture.

– Je ne me sens pas bien.

– Ça va aller. Le docteur va te donner quelque chose pour t'aider à te détendre. »

Justine accepte sans hésiter le cachet et la petite bouteille que le docteur lui tend alors que leur véhicule s'engage entre les arbres. Elle peut le faire. Oui, elle va y arriver.

« On ne va pas pouvoir aller plus loin en voiture, précise son tuteur quelques instants plus tard, il y a un tronc en travers de la route.

– Pas grave, j'ai besoin d'air. »

Justine se hâte de sortir et d'avancer, les mains dans les poches pour se protéger du froid. Axel et le docteur Lefort ne tardent pas à la rejoindre et elle ralentit alors, consciente du lieu vers lequel elle marche. Elle se rapproche de son tuteur jusqu'à pouvoir saisir sa main. Elle sait qu'il ne la lâchera pas. Tout ira bien.

Elle s'accroche à ces doigts chauds qui enserrent les siens et se concentre sur ses pas et sa respiration pour occulter le reste. Inspirer. Expirer.

Lorsqu'Axel lui serre la main un peu plus fort, elle réalise que le bâtiment est là, assez proche d'eux maintenant pour qu'ils l'aperçoivent. Une vieille carcasse vide. Ou la bouche de l'enfer. Justine accélère le pas. Elle doit savoir. Affronter ses peurs.

La bâtisse se tient au centre d'une clairière ; en pleine ville, on l'aurait prise pour un simple entrepôt, ici, elle est en décalage total avec son environnement. Justine s'arrête avant de quitter la protection des arbres et jette un regard inquiet à l'espace découvert devant elle ; à une vingtaine de mètres, trois lapins les observent, puis détalent lorsque le docteur Lefort décide de se remettre en marche. L'adolescente prend une longue inspiration avant de le suivre, entraînant avec elle un Axel respectueux de son silence. Elle ne se souvenait pas de l'aspect extérieur du bâtiment. Elle a l'impression diffuse d'avoir fait un pas vers un autre monde. Un monde étrange où les structures humaines se perdent en forêt et où celle-ci tente de les intégrer à sa physionomie en les recouvrant petit à petit de plantes grimpantes.


Les souvenirs de cette nuit-là frappent Axel de plein fouet à la vue du bâtiment. C'est plus fort que lui, le stress qu'il a ressenti à l'époque le hante de nouveau. Il n'y a plus que la main de Justine dans la sienne pour le raccrocher au présent. C'est pour elle qu'il est revenu ici. Il ne doit pas penser au reste.

La porte principale, dont ils s'approchent, devrait être fermée par une chaîne, mais dans son sac, Axel a de quoi la couper. Pourtant, il s'aperçoit vite qu'il n'aura pas à sortir son matériel puisque les anneaux rouillés gisent à terre, sur le côté ; ils ne sont pas les premiers à avoir voulu entrer ici. Machinalement, il porte sa main libre à son holster avant de la laisser retomber ; il n'a pas dit à Justine qu'il prenait son arme et ne tient pas à ce qu'elle perçoive son geste et s'inquiète.

Qu'il le veuille ou non, il est temps de plonger dans le passé.

JustineWhere stories live. Discover now