Chapitre 16 - Partie 2/2

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Assise sur le canapé, une jambe repliée en posture du lotus, l'autre posée au sol à cause des étirements que sa blessure lui occasionne, le dos droit, les mains en coupe contre son bas-ventre et les yeux fermés, sa respiration est calme, régulière. Elle n'est pas sûre de bien s'y prendre, n'arrive pas à vider son esprit, mais elle se sent malgré tout apaisée, plus consciente de son souffle, de chaque parcelle de son corps... et de la délicieuse odeur de tarte aux pommes qui chatouille ses narines. Les coups frappés à la porte l'instant d'après la font sursauter et la table basse s'écarte légèrement. Elle n'y arrivera jamais.

Axel ouvre à Vincent, qui rejoint Justine dans le salon.

« Salut. Je viens juste t'apporter les cours, et... voir comment tu vas. »

Lui-même a un œil au beurre noir et la lèvre amochée. En le voyant ainsi, Justine est partagée entre reconnaissance et culpabilité.

« Je m'en remettrai, élude-t-elle. Et toi ?

– Je me suis fait déchirer par ma mère, répond-il avec un sourire, mais c'est pas la première fois.

– Je suis désolée, dit-elle en baissant les yeux. C'est ma faute.

– Non, c'est la faute de ce con de Baptiste qui a voulu te harceler, et de ses cons de copains qui se prennent pour des caïds. Je regrette pas de m'être pris des coups pour leur faire perdre du temps. »

Justine ne répond pas, submergée par les souvenirs de la veille. Sans lui, elle n'ose pas imaginer dans quel état elle aurait fini. Serait-elle encore en vie ?

« Justine ?

– Hmm ?

– Je sais pas à quoi tu pensais, mais les meubles commençaient à s'agiter.

– Oh.

– J'ai dit à ma mère que je rentrais directement après le lycée, mais si tu veux... je peux rester un peu.

– Non, je n'ai pas envie que tu t'attires plus d'ennuis à cause de moi.

– D'accord... Tu reviens en cours, demain ?

– Je ne pense pas. J'ai besoin de me reposer et de... me recentrer sur moi-même. Pendant quelques jours...

– Ah... OK, alors. Je t'apporterai les cours demain soir. »

Il lui fait un signe de main et s'éloigne, mais Justine se relève d'un coup alors qu'il s'apprête à quitter le salon.

« Attends ! Tu veux bien descendre dans ma chambre avec moi, juste une minute ? »

Il accepte et la suit, et elle commence à regretter l'idée qui lui a traversé l'esprit. Elle ferme la porte derrière eux et prend une longue inspiration pour garder le contrôle de ses pouvoirs comme de ses pensées. C'est pour elle qu'il a pris ces coups, elle lui doit bien ça. Elle pose ses mains sur les joues du garçon, qui écarquille les yeux tandis qu'elle retient un frisson à ce contact.

« Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il.

– Est-ce que tu as confiance en moi ?

– Euh... ouais, bien sûr...

– Alors ne bouge pas. Ça va peut-être chatouiller un peu. »

Elle se concentre sur la lèvre ouverte du garçon et la répare, jusqu'à faire disparaître la moindre trace de blessure. Elle s'attarde encore un peu sur les joues de son ami, profitant de la chaleur qu'elles dégagent, de cette proximité entre eux qui lui fait de moins en moins peur, puis elle le libère. Vincent passe un doigt curieux sur sa bouche.

« T'as... utilisé tes pouvoirs pour me guérir ?

– Tu disais que je devrais m'en servir, alors... voilà.

– Woah. T'es incroyable ! Mais pourquoi tu ne le fais pas sur toi ?

– J'ai soigné ce qui ne se voit pas. Je ne veux pas avoir à en parler à Axel, ça l'inquiéterait que je fasse des choses pareilles.

– Mais pourquoi ?

– Parce que ça dépasse tout ce que j'ai jamais fait ? Que c'est dangereux, si je rate mon coup. Et beaucoup plus épuisant que de manipuler de la matière inerte.

– D'accord, je comprends. Mais t'es une superhéroïne, Justine. Sérieusement.

– Tu devrais y aller, je ne veux pas que ta mère se fâche encore plus.

– Ouais, t'as raison. À demain soir, alors. Et... t'inquiètes pas pour les bleus et les coupures. Même avec ça, t'es toujours jolie. »

La jeune fille se sent rougir ; il la trouve jolie, vraiment ?

C'est à cela qu'elle repense, ce soir-là, alors qu'elle badigeonne ses bleus de pommade. Elle ne voit pas ce qu'il y a de joli chez elle, en dehors de ses yeux, peut-être, mais elle accepte le compliment ; des garçons de son âge, elle n'avait connu que les insultes, jusqu'à rencontrer Vincent.


Les jours qui suivent se déroulent dans une monotonie rassurante ; Justine pratique la méditation le matin et avant d'aller se coucher et travaille un peu en musique l'après-midi. Vincent ne passe qu'en coup de vent pour lui déposer les cours et les devoirs, et si sa présence lui manque, elle a besoin de ce calme pour se remettre de ce qu'elle a vécu, comme pour se préparer aux jours prochains. Il lui faudra bientôt retourner en cours, elle devrait être impatiente, pourtant ce n'est pas le cas. Elle n'a plus envie de quitter cette maison, ce rythme tranquille qui s'est imposé ces derniers jours. Elle voudrait pouvoir continuer ainsi, à l'abri du monde extérieur, protégée par le regard chaleureux d'Axel dont elle se sent de nouveau complice. Elle voudrait rester là, allongée sur le lit de sa chambre-bureau, à se laisser bercer par ces chansons dont elle connaît chaque mot.

C'est pendant Stairway to Heaven qu'Axel vient bouleverser sa rêverie ; il frappe à sa porte et elle l'invite à entrer sans bouger du lit, les mains calées sous sa tête, les yeux fermés pour mieux savourer la musique. Elle ne les ouvre pas quand elle sent le matelas s'affaisser sous le poids de son tuteur, s'attendant au geste familier qui suit habituellement ce moment, et sourit lorsqu'il passe une main dans ses cheveux courts. Alors, seulement, elle le regarde, cherchant le brun de ses yeux derrière ses lunettes. Axel veut s'assurer qu'elle va bien, qu'il peut la laisser seule une heure ou deux, le temps d'aller prendre un café avec une amie qui vient de lui envoyer un message.

« Claire ? l'interroge Justine.

– Non. Elle s'appelle Héloïse.

– C'est avec elle que tu as déjeuné la semaine dernière ?

– C'est ça.

– Vas-y. Ça ira. »

Axel se penche pour l'embrasser sur le front. Elle hoche la tête quand il lui dit que la porte d'entrée sera verrouillée, que l'alarme sera enclenchée, et qu'elle peut l'appeler à tout moment. Il n'a pas besoin de le lui rappeler, elle se sait à l'abri, ici. Pourtant, une pointe d'angoisse fait trembler les peluches lorsqu'Axel referme la porte derrière lui.

 Pourtant, une pointe d'angoisse fait trembler les peluches lorsqu'Axel referme la porte derrière lui

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Une petite plongée dans l'univers musical de Justine ?


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