Justine

Chapitre 14

Quand les adolescents sortent du cinéma, la nuit est tombée. Justine frissonne et resserre son écharpe pour se protéger de l'air trop frais. Alors qu'ils avancent tranquillement, échangeant leurs impressions sur le film, Vincent accélère soudain le pas en saisissant son amie par le bras. Justine se crispe.

« Te retourne pas, lui murmure-t-il, je crois qu'on est suivis. »

Elle pense instantanément à la femme et augmente son allure.

« Ils sont plusieurs. À peu près notre âge. »

Aussitôt, la situation paraît beaucoup moins inquiétante, mais Vincent reprend :

« J'ai vu l'un d'eux nous fixer quand on attendait pour rentrer dans le ciné. C'est pas un hasard.

– Tu crois vraiment qu'ils nous suivent ? Tu me fais peur...

– Ça va aller. On va trouver un commerce pour s'y réfugier.

– Ouvert un dimanche ? »

Inspirer. Expirer. Ce n'est pas le moment de paniquer. Discrètement, elle sort son téléphone pour appeler son tuteur. Elle le range dans sa poche et glisse les écouteurs dans ses oreilles.

« Justine ? fait presque aussitôt la voix inquiète d'Axel.

– On est suivis par un groupe, je ne sais pas ce qu'ils nous veulent...

– Reste calme et ne raccroche pas. Tu vas me guider jusqu'à vous, on arrive.

– D'accord », souffle-t-elle en se concentrant pour ne pas laisser la peur influer sur ses pouvoirs.

À l'autre bout de la ligne, Axel demande à Bart de prendre le téléphone et de lui passer les clés de sa voiture.

« Hé, ma princesse, ça va aller, on est en chemin. »

Portières d'une voiture qu'on ouvre et qu'on claque.

« Bart a mis le haut-parleur. Dis-moi où vous êtes.

– Dans la rue de l'ancienne boutique d'électronique, murmure Justine. Il y a une épicerie à droite mais elle est fermée...

– Tournez à gauche à la prochaine intersection.

– D'accord... »

Mais alors qu'ils s'engagent dans la rue indiquée par Axel, les silhouettes de deux garçons se dessinent un peu plus loin.

Justine se retourne, prête à prendre la rue de droite, mais là aussi, un type les attend... L'angoisse lui serre le ventre ; crier au secours ne servirait à rien dans cette zone commerçante déserte. Paralysée, elle réalise qu'ils sont coincés sur trois côtés.

« Par là ! »

Vincent la tire par le bras, l'obligeant à courir vers la seule rue encore libre.

« On a continué tout droit ! crie-t-elle dans le micro de son kit mains libres.

– Non, c'est un cul-de-sac !

– On n'avait pas le choix, ils nous bloquent !

– On arrive », tente de la rassurer Bart.

Les pas se rapprochent, elle les entend ; une main la pousse si violemment qu'elle trébuche vers l'avant, retenue de justesse par Vincent.

« Cassez-vous ! » hurle-t-il en se retournant pour faire rempart entre eux et Justine.

Mais il ne s'attire que des rires. Ils sont là, à cinq contre eux, les encerclant avec des sourires mauvais. Le plus grand s'avance ; Vincent tente de le frapper pour le forcer à reculer, mais le coup qu'il reçoit dans l'estomac le plie en deux. Justine recule, mais un autre garçon l'attrape par l'épaule et la pousse à terre. Elle se réceptionne douloureusement sur les avant-bras, se relève, fait quelques pas en trébuchant avant de réaliser qu'elle ne peut fuir d'aucun côté.