« Je dois faire partie du groupe qui repart pour Centralia avec le convoi et Kayla », attaqua Erryn de but en blanc.

Vivian lui répondit par un "non" péremptoire, accompagné d’un regard qui déconseillait toute discussion. Mais cela n’arrêta nullement la jeune femme :

« Ce n’était pas une question. Je ferai partie du voyage.

- Hors de question. Il ne s’agit pas d’un voyage à but récréatif mais d’une affaire sérieuse.

- Mais enfin ! s’emporta Erryn. Tu ne peux pas me garder enchainée à tes côtés toute ma vie. Et je ne peux pas les laisser emmener Kayla toute seule dans l'antre du démon... »

Elle s’arrêta et vérifia par-dessus son épaule que personne ne leur prêtait attention avant de reprendre plus bas mais non sans moins de hargne.

« Ne prétend pas que cela ne t'arrangerait pas d'avoir une source d'information fiable à l'intérieur du palais royal. Je sais que tu veux savoir ce qu'il cherche.

- Surveille ta langue, petite impertinente ! gronda Vivian, ses yeux se réduisant à deux fentes brillantes de colère. Et que sais-tu donc qui te donne l’autorisation de contredire mes ordres ?

- Tu n’aimerais pas que j’en parle tout haut ici. Tu sais bien que les murs ont des oreilles », répliqua Erryn, malicieuse.

Elle jouait avec le feu, littéralement, et le savait. Mais elle savait aussi qu’elle avait raison. Et son sourire s’agrandit quand elle lut une brève hésitation sur le visage de son mentor.

« Réfléchis, je suis la plus discrète d’entre nous, tout le monde pense que je suis une enfant. Je suis douée pour découvrir les secrets des gens. Et surtout je ne crains pas le roi, tu ne vas quand même pas demander à Eidel de l’espionner ! s’exclama-t-elle en désignant une prêtresse assise à quelques places d’elles et qui réussit le prodige de pâlir de peur et de rougir sous leurs regards dans la même seconde.

- Je ne sais pas quelles idées tu t'es encore fourrées dans la tête, mais tu n'es pas une espionne, aucune d'entre nous ne l'est. Il y a des...situations préoccupantes, certes, mais aucun secret à découvrir, ni de complot à démanteler. Ce sont des sottises que l'on ne trouve que dans les romans dont tu te farcis l'esprit. J'aurais dû tous les faire brûler avant que tu n'apprennes à lire ! »

Sans se laisser démonter, la jeune femme répliqua :

« Tu sais qu'il faut surveiller Thérik. Je suis sûre qu'il est impliqué jusqu'au cou dans tout ce qu'il se passe dans la région. Léonora aurait été d'accord avec moi et elle aurait profité de l'occasion ».

À ces mots Vivian s'immobilisa, aussi raide qu'une statue de marbre.

« Je ne sais pas de quoi tu parles et toi non plus. Je n'adhère pas aux théories complotistes dont tu te bourre la tête. Si je te laisse accompagner ton amie tu ne pourras pas t'empêcher de fourrer ton nez dans des affaires qui ne te concernent pas et nous allons toutes nous faire tuer. Ton amie y comprit. Ni notre statut, ni le sien ne nous protégerons de Thérik ».

Une vieille prêtresse, qui suivait la conversation avec des yeux ronds, hoqueta quand le regard d’Erryn se fit foudroyant et qu’elle asséna, amer :

« Je ne pensais pas que toi aussi tu étais devenue lâche. Je t’ai fait confiance pendant toutes ces années parce que je pensais que tu voulais agir, mais je me suis visiblement trompée. La situation est critique et c’est peut-être la seule opportunité qui s’offrira à nous. Je me rendrai à Centralia avec ou sans ton accord, tu ne peux pas me retenir indéfiniment, acheva-t-elle en faisant mine de se lever.

Dans l'ombre des flammesWhere stories live. Discover now