Recette 22 - Certaines affaires de famille

23 3 7
                                    

Le véhicule passe un premier contrôle assuré par un garde, puis un deuxième, où nous confirmons notre identité, traverse une longue allée bordée de saules, contourne une statue, et patiente jusqu'à ce que le portail, dernière étape avant de pénétrer dans le domaine Lunay, s'ouvre et nous laisse entrer.

— Mon père a subi de nombreuses trahisons de la part de ses alliés, ces dernières décennies, explique Owen. Cela a aiguisé ses sens et aggravé sa paranoïa. J'imagine que cela ne s'applique pas aux Anger.

— Mes parents nous ont toujours dirigés avec diplomatie. Quant à ma sœur, elle exécuterait le premier qui oserait s'en prendre à elle.

— Elle ne m'a pas exécuté, pourtant, affirme le loup en garant la voiture.

— Tu es le descendant de la deuxième plus grande meute des environs. Elle ne prendrait en aucun cas ce risque. Maïwenn est impulsive, mais loin d'être idiote. Et puis...

Je me frotte la nuque, préparant avec soin mes paroles.

— Te vaincre devait être une récompense suffisante.

Il esquisse un sourire gêné, sort et m'ouvre la portière. Des gardes sont dispersés près de chaque entrée de l'immense maison. La pelouse de la cour extérieure, fraîchement arrosée, reflète les fins rayons rutilants et ambrés qui annoncent l'approche d'un magnifique coucher de soleil. Les lumières découpent les silhouettes des gardes sur les murs de la demeure. Ils sont droits, ne bougent pas, ne donnent pas vie à leurs ombres. Owen m'accompagne jusqu'à la porte principale, une vieille entrée qui semble être dressée depuis plus d'un siècle. Nous passons près des gardes. Ils me paraissent fatigués, pantelants, désespérés, mais rien, dans la prunelle de leurs yeux, dans leurs expressions ou dans leurs mouvements, ne me permet de le confirmer. Cela se dégage de leurs auras. Ces gardes paraissent seuls, alors qu'ils sont pour la plupart postés en groupe. Ce sont peut-être eux qui rendent ce lieu si sinistre. Pourtant, des guirlandes s'illuminent derrière leurs troupes, des boules réfléchissantes et colorées pendent aux sapins. Malgré l'atmosphère que l'on veut nous faire ressentir, cela ne trompe personne. Même Owen, d'habitude si joyeux, perd sa béatitude en passant la porte de la maison. Ces paroles me reviennent en tête.

J'ai peur que mes parents n'arrivent pas à se tenir et se disputent.

S'attend-il vraiment à ce qu'une querelle éclate en plein déjeuner ? De toute évidence, l'animosité entre ses parents doit être bien plus forte que je ne l'imaginais. Nous tournons le dos aux gardes et avançons dans un long couloir de pierre, froid et sans ornement.

— C'est assez... suranné.

Je regarde autour de moi. Un lustre est accroché au plafond. Les yeux chocolat d'Owen se posent sur moi, et il m'accorde un sourire réservé.

— Tes parents sont-ils des adeptes du style archaïque ?

Il secoue la tête.

— Ma mère refuse que l'on touche à cette maison, alors elle est restée telle quelle. Dans la mesure où elle reste ici pour protéger son honneur et celui de mon père, elle estime avoir son mot à dire sur d'éventuels travaux. Et elle n'en souhaite pas. C'est une condition que mon père a acceptée sans broncher. Il est prêt à tout, soupire-t-il.

— Dis-toi qu'un jour, ils ne seront plus capables de tenir ce mensonge, ou n'en auront plus la volonté.

— J'en doute.

Nous finissons de traverser le couloir et nous arrêtons dans le hall.

— Tu veux dire... Qu'ils seraient en capacité de faire semblant jusqu'au restant de leurs jours ?

Meute, Louche et Calamité जहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें