Meute, Louche et Calamité

Recette 21 - Divorcés ?

J'ai dû négocier avec Owen pour qu'il accepte que nous passions seulement la veille de Noël chez ses parents. Noël apporte un pic de fréquentation à mon restaurant. Je ne peux pas me permettre de le garder fermé, alors qu'il n'a pas ouvert depuis plus de deux semaines.
Le loup a tenu à m'accompagner dans sa Maserati fraîchement nettoyée pour l'occasion.
Nous avons été épargnés par les embouteillages et roulons désormais en direction de la maison des Lunay.

— C'est étrange, dis-je à Owen sur la route.

Le loup observe quelques instants la robe que j'ai revêtue pour l'occasion ; longue, bleue et, qui plus est, en dentelle discrète !
Mon commis relève ensuite la tête et se reconcentre sur la route.

— Qu'est-ce qui est étrange ?

— Ça paraît vraiment... Formel, que je rencontre tes parents, à Noël en plus.

— Tu viens de mettre le doigt sur la raison pour laquelle j'ai failli ne pas t'inviter. Si ça peut te rassurer, j'ai prévenu mes parents que notre relation n'avait pas évolué depuis la dernière fois qu'ils t'ont vu, à la cérémonie. Mais ma mère n'a pas pu s'empêcher de sauter de joie. Je leur présente très peu de filles.

Je grommele.

— Nous ne sommes même pas amis ?

— Oh si, si bien sûr. Désolé.

Il se frotte l'arrière de la nuque et remet en place le col de son blouson en cuir.

— Tu as l'air stressé. Tout va bien ?

— Oui mais...

Il soupire.

— J'ai peur que mes parents n'arrivent pas à se tenir et se disputent.

— Pourquoi ils se disputeraient ? Ils sont mariés depuis des années, il n'y aucune raison qu'ils...

— Ils ont divorcé il y a deux ans.

Là, c'est une révélation. Très peu de couples de loups divorcent. La plupart restent mariés à vie et n'osent pas se séparer, ne serait-ce que pour le déshonneur que cela engendrerait. Un loup divorcé est un paria.

— Et ils vivent toujours ensemble ?

— Comme tu as pu l'imaginer, l'alpha de la meute Lunay ne pouvait pas supporter le déshonneur. Alors avec ma mère, ils ont conclu un marché. Toute la meute croit à leur idylle et à leur amour éternel. Que des sottises ! grommele t'il.

Il resserre sa prise sur le volant.
Je pose une main sur son épaule pour l'apaiser, ce qui semble fonctionner à merveille.

— Ça doit être très dur pour eux, de devoir rester dans la même maison simplement pour ne pas ternir leurs réputations, alors qu'ils n'ont plus de sentiments l'un pour l'autre.

— Mon père n'a eu aucun remords à garder ma mère sous contrôle. Il faut croire qu'au fil des années, elle s'est habituée à ce rôle. Les louves n'ont jamais eu la vie facile...

— Oh, si tu savais, lui dis-je avec un sourire en coin.

Dehors, les rues défilent. Paris s'est couvert d'un épais manteau blanc, assorti aux décorations colorées qui ornent les arbres. Lorsqu'enfin, la Maserati s'arrête devant une maison qui ressemble à un manoir, au jardin immaculé et aux décorations par dizaines, je me mets à espérer que rien ne dérapera.