La meute

2.9K 139 2
                                    

La salle de bain est belle. Grande. Rien à voir avec celle de la coloc qui a gardé son cachet année 80. Là tout est beau et clair. Je m’observe un moment. Mon « chignon » est clairement de travers et ma tête est horrible, je suis cernée et je dégage un air paniqué. En même temps vu le contexte je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

Au fond de la salle de bain se trouve une porte, je l’ouvre et découvre une autre chambre. Elle est grande mais alors pas du tout dans le goût de la mienne. Ici tout est majoritairement en bois brut et gris. Au-dessus du lit se trouve un tableau gigantesque représentant une forêt coupée en deux par un précipice avec un vieux pont en corde reliant les deux bords.

La chambre sent bon, extrêmement bon, c’est clairement la chambre d’Esteban, son odeur est partout. Cette odeur putain Non mais n’importe quoi Laurette ! On se reprend ma fille ! et s’il arrivait là ? Je retourne en courant vers la salle de bain mais ne trouve rien pour verrouiller la porte. Je vais donc chercher une chaise dans « ma » chambre que je viens positionner sous la poignée afin d’en condamner l’accès.

Je me déshabille à la hâte et casse le crayon à papier qui tient lieu de pince à cheveux. Merde maugréais-je. Je me laisse aller sous le jet d’eau chaude. J’ai l’impression de me détacher d’un poids, de toutes mes tensions. Il faut que je me resaisisse. Il y a une explication à tout ça. Les garçons ont l'air dégénéré mais la fille m'a paru plus ouverte. Je passerai à elle. Je... Je vais leur expliquer et ça va aller.

J’enfile la tenue prêtée par Suri. C’est étrange de me donner ses vêtements comme ça mais en même temps c’est gentil. Je souris en enfilant le jean droit sur lequel je marche en effet. J’y fais donc des ourlets. J’enfile le débardeur noir, il est trop moulant à mon goût. J’ai tendance à me cacher sous un cargo et un t-shirt ample ou un pull-over size. J’avoue que le jean droit et le débardeur ça me change, je me sens un peu mal à l’aise que ma poitrine soit autant visible. Elle n’a rien d’extraordinaire mais je ne suis pas à l’aise dans le fait de la montrer autant. J’aime passer plus inaperçu.

Je remets mes converses rouge et refais mon chignon mou haut. Je ne trouve rien dans la chambre pour l’attacher. Ni dans la salle de bain. Je repars dans la chambre d’Esteban sur la pointe des pieds et lui emprunte un stylo posé sur un meuble près de la fenêtre. J’y remarque un cadre contenant une photo sur laquelle un enfant sourit. Il lui manque des dents et est avec une femme, trop vieille pour être sa mère, sa grand-mère peut-être ? Ils sont beaux et ont l’air heureux.

J’ouvre tout doucement la porte de ma chambre qui donne sur un couloir. Un long couloir avec des portes et au bout je devine un escalier. La disposition du lieu fait penser à un hôtel sauf que la déco y est bien moins ringarde. En fait elle ressemble à la déco de la chambre d’Esteban tout est bois et gris clair. C’est joli. Je suis visiblement la seule a occuper une chambre des années 30.

Je passe devant la porte de la chambre d’Esteban. Il doit y avoir une dizaine de chambres je dirai. J’avance vers les escaliers et j’entends des bruits de voix qui proviennent d’en bas. Je m’arrête, terrifiée à l’idée de descendre. Je reconnais la voix d’Esteban annonçant « la voilà. Suri va l’aider à faire les derniers mètres ». Je me fige. Comment sait-il que je suis là ? Pas le temps d’y réfléchir que je vois la mine enjouée de Suri qui monte en sautillant et m’adresse un sourire entendu en regardant les ourlets du jean.

« Tu viens princesse ? on t’attend et j’en connais qui ont faim et qui trouve ton arrivée un peu lente ». Une partie de moi prie pour ne pas être le repas.

Arrivée en bas des marches Suri s’empare de ma main sur laquelle elle tire me forçant à entrer dans un grand salon où de parfaits inconnus, hommes, femmes, enfants sont installés. Certains debout, d’autres assis. Deux enfants d’environ 8 ans jouent au flipper au fond de la pièce. Tous se tournent vers moi et le silence se fait.

D'une lune à l'autreWhere stories live. Discover now