Dans la France de 2063, où les citoyens ont le choix entre suivre les traditions ou être déchus de leur nationalité, le jeu télévisé « Ennemis jurés » bat tous les records d'audience.
Le principe : cinq coupables de crimes passibles de la peine de m...
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~ Aime ta destinée
Au repas du soir, Irène ne fut pas surprise de constater que la répartition des détenus avait changé. Comme si la production le leur avait ordonné, tous les détenus s'étaient installés sur les tables en fonction de leurs nouvelles couleurs. Inimaginables la veille : Fatiha dînait à la table de Victoria. Elles n'avaient tout de même pas poussé le vice jusqu'à s'asseoir l'une à côté de l'autre. Iphigénie tenait lieu de séparation. Arrivé au même moment qu'Irène, Enzo rejoignit leur table, seul homme parmi ses filles si dissemblables.
À contrecœur, Irène alla poser son plateau chez les violets. Il y avait au menu d'invraisemblables frites au fumet appétissant. Son ventre ne s'était pas encore tout à fait remis ni de l'épreuve des saucisses ni des coups durs successifs de la journée. Pourtant, l'eau lui montait à la bouche. À côté d'elle, Caroline ne touchait pas à son assiette. François les savourait une par une. Quant à l'absence de Guillaume, elle n'étonna personne.
Irène commença son repas en avalant trois médocs. Le timing serait parfait. Ils atteindraient le paroxysme de leur effet dans une heure, quand elle serait dans sa cellule. Les hallucinations médicamentocréatives, elles, survenaient avec plus de violence 24 heures après leur consommation. Irène pouvait tout aussi bien être morte dans 24 heures. La prudence n'avait plus cours.
François et Caro devaient avoir remarqué les pilules. Ils ne posèrent aucune question, ne firent aucune remarque. Personne ne disait plus rien, comme si la défaite leur avait à tous tranché les cordes vocales.
Pour tromper l'ennui et fuir le malaise grandissant de ce repas, Irène observait les autres groupes. Elle vit Jordan apparaître dans le réfectoire. Il s'avança, passa devant Elliot sans lui accorder un regard. Puis, il poursuivit sa route et vint s'asseoir à côté d'Enzo sur la table des oranges. Une manœuvre fine de sa part, rejoindre le groupe des forts. Irène se représenta mentalement la grande balance au bout du bras de la justice aveugle. Elle avait un côté violet et un côté orange. Dans le plateau le plus lourd, sept poids en bronze, contre cinq de l'autre côté. Un poids de plus s'ajouta, et la balance pencha encore plus en faveur du côté orange.
François, qui avait aussi suivi toute la scène, se retourna vers Irène et Caro, échangea un regard dépité avec chacune d'elles. Il n'avait pas besoin de poser de mots sur la situation. Elle était désespérée. À se demander si ça vaudrait la peine de se lever en pleine nuit... pour parler de quoi ? Peu importe pour qui ils voteraient, ils avaient perdu.
Comme si elle avait attendu que Jordan s'assoit, l'I.A. prit la parole :
« Un message pour tous les détenus. Le conseil de direction de la prison a pris sa décision au sujet des événements survenus pendant le groupe de parole. Ces événements sont extrêmement graves et nécessitent des sanctions fortes. Le sursis du détenu Guillaume Boucher tombe, sa sanction prend donc effet. Trois défaveurs à son nom seront ajoutées dans l'urne en plus des votes des autres détenus. De plus, il sera à l'isolement jusqu'au procès et ne pourra participer à aucun échange d'ici là. Son droit de vote est maintenu. Pour les autres détenus impliqués dans la bagarre. Deux sanctions ont été prononcées. »
