5. Kamëlya

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Le serveur s'approche de moi avec un sourire aimable, portant un plateau sur lequel repose une flûte de champagne pétillant. Je le remercie d'un signe de tête et prends le verre entre mes mains. Je porte la flûte à mes lèvres et prends une gorgée de champagne, sentant les bulles chatouiller agréablement mon palais. 

L'alcool répand rapidement une douce chaleur dans mon corps, et je sens que la pression commence à s'apaiser, du moins pour le moment. Je prends une autre gorgée de champagne, me préparant mentalement à affronter ce qui m'attend. 

Je sens des flashs de téléphone dans ma direction et je fais en sorte de paraître belle sur toutes leurs photos. Je souris à l'objectif, lance des regards de séductrice, envoie des bisous dans les airs.

Ils sont tous en effervescence. Je les comprends, ils n'ont pas l'habitude de voir une célébrité de mon envergure.

Je fais signe à un serveur de m'apporter l'addition, et il hoche la tête avant de se diriger vers la caisse. Le serveur revient avec l'addition, qu'il dépose délicatement sur la table. Je le remercie d'un sourire, puis jette un coup d'œil au montant.

—  Ah, c'est tout ? soufflai-je en sortant ma carte de crédit pour régler la note, mais lorsque je m'apprête à la glisser dans la fente, le gérant vient précipitamment à ma table.

— Attendez madame Williams, mon salarié a dû oublier qu'il avait en face de lui une célébrité, veuillez le pardonner. Nous vous offrons le repas.

— J'insiste pour payer, monsieur.

— Nous tenons à recevoir des personnalités publiques telles que vous dans de bonne conditions afin qu'elles gardent un bon souvenir de leur passage chez nous. J'insiste en sens inverse, madame Williams.

— Très bien, vous désirez un autographe, monsieur ?

— Oui, oui, nous désirons une photo de groupe avec vous, nous afficherons cette photo dans notre restaurant afin qu'on se souvienne de votre passage ici.

— Si vous voulez, dis-je en me levant.

Je suis le gérant du restaurant d'une démarche chaloupée.

— Manuel, t'as un bon téléphone ?

— Euh... oui, tu veux que je prenne la photo ?

— Oui, ça serait bien.

Les serveurs se mettent en ligne et je me mets au centre. Je tape la pose et me concentre sur l'objectif. Manuel paraît soudainement perdu dans la découverte de son téléphone, éprouvant des difficultés à appuyer sur le bouton. Pendant au moins deux minutes qui semblent interminables, nous restons là, affichant des sourires gênés, attendant désespérément le petit clic tant attendu.

— On dit Ouistiti, dit-il enfin.

Je souris et dévoile une dentition parfaite.

— Merci, Madame Williams, ce moment restera gravé dans notre mémoire, dit une serveuse.

— Pareillement, dis-je en essayant d'être sincère.

— J'espère que votre séjour à Castle Moon se déroulera parfaitement... vous connaissez le coin ou c'est une découverte ? demanda le gérant.

— Une découverte, mentis-je.

— J'espère que vous reviendrez ! dit-il enjoué.

Je lui adresse un sourire poli et me dirige vers la sortie. La présence des Travailleurs me met toujours mal à l'aise. Ils semblent tellement démunis que je parierais volontiers qu'ils se précipiteraient pour ramasser la moindre de mes boucles d'oreilles si elle venait à tomber ! Pathétique, leur existence me semble si misérable.

BrisésWhere stories live. Discover now