Brisés

2. Kamëlya

Je me dirige d'un pas décidé vers les toilettes, non pas pour succomber aux larmes comme l'avait suggéré cette vulgaire fille, mais pour me repoudrer le nez.

Je prends soin de moi, évidemment.

J'applique consciencieusement mon mascara, du gloss et une légère brume de parfum pour parfaire mon allure.

Je tourne légèrement ma tête, sentant des regards sur moi. 

Je me fige, observant attentivement ces deux jeunes femmes. C'est étrange de les voir dans leur version adulte alors que lorsque je suis partie, nous étions encore au lycée. Paméla a gagné en beauté, elle a décoloré ses cheveux, le roux lui va très bien, elle a pris de la prestance avec l'âge.

Paméla était la meilleure amie de Cassidy, elles étaient inséparables, donc je suppose que la blonde doit être Cassidy. Mais non, c'est impossible.  

— Et Paméla, c'est la fameuse Black, dit une blonde qui semble être la version pas cher de Cassidy Smith, tout en se peignant les cheveux.

— Qu'est-ce qu'une Black fait ici, Cassy ? C'est trop... chelou.  

Bon du coup, j'ai ma réponse. Cassidy a sacrément changé au fil des ans. Les années ne semblent pas l'avoir épargnée. Elle arbore une expression si... différente, comme si elle se contentait de survivre plutôt que de véritablement vivre.

Pour que vous puissiez vous faire une petite idée de l'apparence de Cassidy, je vous conseille de vous remémorer vos anciennes poupées Barbie. Le genre de poupée Barbie qu'on a toute eu quand on était petits, celles sur laquelles on testait des expériences, des trucs du genre : "Et si je la maquillais au marqueur ?" ou "Et si je lui lissais les cheveux ?" ou encore "Et si je la mettais au micro-ondes, elle pourrait bronzer, non ?"

Tout ça pour dire que Cassidy, autrefois vénérée pour sa beauté à couper le souffle, a clairement perdu de son éclat à mes yeux. Elle me suscite même, de la compassion.

— Grave, dit Cassidy en me regardant me maquiller. Mon ami te cherchait, il voulait te proposer de venir à une fête chez lui...

— Il m'a trouvé, dis-je un peu lasse en repensant comment sa prétendue meilleure amie m'avait parlé.

Je ressens une immense colère qui bouillonne en moi. Avant quand je n'étais pas une Black, elle avait une raison de me parler comme ça - j'étais faible, de toute façon. Mais maintenant que je suis Black, une célébrité, je refuse qu'on me parle de cette façon. Il y a des choses qu'on ne doit pas faire, c'est tout. 

De plus, c'était tellement évident qu'ils n'étaient pas seulement meilleurs amis, si mes souvenirs sont bons, ils étaient soient ex ou en flirt.

En tout cas, y avait quelque chose entre eux, et ça crevait les yeux.

— Et donc tu viens ? s'informe-elle.

Je me tourne vers elle, un sourire mesquin aux lèvres, tout en continuant d'appliquer mon gloss avec précision.

Du coin de l'œil, j'aperçois qu'elle me sourit. Je termine de me remaquiller en silence, tandis qu'elle continue de me sourire comme si je ne savais pas qui elle était.

Dans le passé, elle m'a révélé son vrai visage. 

— C'est possible, s'il est sage, je viendrai. Il prend des risques à m'inviter, il pourrait se faire tuer pour complicité...

— C'est normal, il a l'air de bien t'apprécier, laisse sous-entendre Barbie.

— Je l'espère moi aussi, dis-je d'une voix remplie de sous-entendus.