Chapitre 29

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Jarod 


Elle n'était plus aussi sûre d'elle-même, ses doutes se lisant sur son visage marqué. Osais-je prétendre qu'elle était vexée que je lui résiste ? Tous les signes semblaient converger dans cette direction : l'ironie cinglante de ses paroles, le sarcasme mordant de son ton, et les regards fuyants empreints de déception. J'aurais dû me sentir mal à mon tour, mais étrangement, je ne ressentais pas ce poids sur ma conscience. Elle désirait simplement une relation sexuelle, un échange physique dénué de profondeur, mais malgré les signaux que mon corps émettait, je ne pouvais me résoudre à répondre à cette demande aussi banale que celle de se nourrir. Rien que l'utilisation de ce terme vulgaire m'écœurait. Bien sûr, je ne pouvais pas lui en vouloir de s'exprimer de cette façon. Parker n'était pas le genre de personne à mâcher ses mots. D'ailleurs, elle n'avait jamais été ainsi, et je pressentais qu'elle ne le serait jamais. Cependant, pour moi, ce n'était pas seulement une simple « baise » que je recherchais. Je désirais m'offrir à elle d'une manière bien plus profonde, empreinte de sentiments que je portais en moi depuis des années, sans toutefois avoir le courage de les lui avouer.


Évoquer d'autres sujets, comme notre soirée sur le yacht, ne faisait qu'amplifier cette odieuse petite voix intérieure qui ne cessait de me susurrer que c'était le bon moment pour révéler à Parker une réalité qu'elle connaissait sûrement déjà, mais qu'elle préférait ignorer. Sans cela, nous ne serions pas dans cette situation. Mais peut-être étais-je celui qui se trompait après tout. Peut-être que mes idées n'étaient plus aussi claires et que je me sentais perdu. C'était une évidence, bien que nous partagions ce sentiment d'égarement. Nous étions deux, comme toujours, se soutenant mutuellement contre vents et marées. Plus que jamais, nous étions deux contre le reste du monde. Je trouvais cette pensée à la fois belle et désespérante. Le monde n'était pas aussi vaste qu'il le paraissait, il se limitait à l'environnement clos de cette entreprise privée. Nous étions deux, mais elle était contre moi, et moi contre le Centre.


Un profond malaise s'emparait désormais de moi. Non pas parce que je ne souhaitais pas simplement « baiser », comme elle l'avait sous-entendu avec tant de mépris, mais parce que j'étais à l'origine de tout cela. J'étais responsable de sa vie fade et dénuée de saveur, de sa colère, et pire encore, j'étais coupable de son asservissement. Sans moi, elle ne serait probablement pas ici, errant à travers le pays. Sans moi, elle aurait pu vivre sa propre vie, fonder sa propre famille. Sans moi, elle serait simplement libre, aussi libre que je me sentisse à présent. Que pouvais-je répondre à cela ? Moi, le génie au QI inquantifiable. Moi, leur précieux petit trésor. Pourquoi ? Pourquoi moi et pas un autre ? Pourquoi, tout simplement ? Une question si dérisoire à laquelle je n'avais malheureusement aucune réponse. Alors, je me suis excusé, impuissant à faire mieux. Je me haïssais de rendre sa vie infernale, mais je ne pouvais nier qu'elle faisait de même avec la mienne. Que pouvions-nous y faire ?


La meilleure option semblait de dormir, conservant ainsi notre chaleureuse proximité, aidée par ce plaid abominable qui, malgré les picotements qu'il provoquait, nous réchauffait légèrement. C'était toujours mieux que rien. J'aurais tellement voulu proposer autre chose, mais aucune idée ne me venait en tête, pas même le monologue que j'aurais espéré lui délivrer pour la convaincre de changer d'avis. Rien, toujours rien. C'était l'histoire de ma vie. Cependant, le silence s'installa dans la pièce, envahissant l'espace.


Dehors, la tempête continuait à dicter son propre tempo, tandis que les flammes crépitantes dans la cheminée nous offraient une douce mélopée qui, dans d'autres circonstances, aurait pu apaiser mon esprit tourmenté. Mais pas cette fois, visiblement. J'ai beau compter des moutons que je ne peux pas voir, comme on me l'a conseillé, me raconter des histoires, réfléchir à de nombreuses problématiques, rien n'y fait. Et lorsque mademoiselle Parker me demande si je dors, je sais que je ne suis pas le seul à être exclu du royaume de Morphée.


« — J'aimerais te dire que oui, mais ce n'est pas le cas. Tout comme j'aimerais te dire que c'est facile de faire semblant de ne rien ressentir. Quand je t'ai revue pour la première fois après toutes ces années, j'ai ressenti exactement la même chose que lorsque je t'ai vue pour la toute première fois. Mon cœur s'est emballé et je crois même que j'en ai eu le souffle coupé. Je sais que cela peut te sembler offensant ou ridicule, mais pour moi, c'est une réalité que je ne peux pas ignorer. Car pour moi, tu es toujours cette petite fille qui m'a donné mon tout premier baiser. Et je sais que tu ne veux pas l'entendre, mais je te le dis quand même. » J'ai peut-être trop parlé, mais je ne peux pas me reprocher d'avoir été sincère, peu importe les conséquences. Car j'étais à peu près sûr qu'elle le prendrait mal.

En pleine tempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant