Chapitre 27

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Jarod 

J'ai déjà été désarmé au cours de ma vie, mais jamais autant que maintenant. Je me sentais totalement démuni, sans aucune alternative ni solution de repli, et j'avais du mal à garder le contrôle de moi-même. Son corps tout entier trahissait son désir brûlant à mon égard. Ses yeux étaient d'une profondeur envoûtante, brillant d'une lueur lubrique captivante. Sa peau était parcourue de mille et un frissons lorsque nos lèvres se sont effleurées pour la toute première fois. Et que dire de la sensation incandescente qui m'a envahi quand nos peaux se sont frôlées, puis nos corps se sont unis ? J'étais moi-même esclave du désir qui m'envahissait. Comment aurais-je pu résister avec une femme telle que mademoiselle Parker à mes côtés ? Elle était l'incarnation même d'un fantasme pour ceux qui recherchaient la perfection. Mais au-delà du désir et du fantasme, j'étais troublé par des sentiments bien plus profonds, des sentiments incompatibles avec une simple aventure passagère. Je ne pouvais donc pas me donner à elle.


« — Pas assez belle ? » demandais-je, surpris de sa réaction. « — Bien sûr que non. Je n'ai jamais rencontré une femme aussi éblouissante que toi... » Je dus m'arrêter avant de me laisser emporter par un torrent de louanges. « — Tu as toujours été au-dessus des autres », laissais-je toutefois entendre. Et c'était la pure vérité. Mademoiselle Parker était et resterait toujours bien au-dessus de la norme, dans tous les sens du terme. « — Et si je t'ai vexée, sache que je m'en excuse sincèrement. Ce n'était pas du tout mon intention première. » Moi qui souhaitais éviter de m'épancher en paroles, je continuais à m'enfoncer, comme quand nous étions enfants et qu'elle prenait un malin plaisir à me faire culpabiliser lorsque nous nous retrouvions après de longues séparations. Je ne pus d'ailleurs m'empêcher d'esquisser un léger sourire en repensant aux précieux souvenirs que nous partagions.


La conversation dériva ensuite vers nos récentes (et communes) mésaventures. Évidemment, Sydney n'avait rien révélé à mademoiselle Parker, qui fut surprise d'apprendre ma présence sur le yacht lors de la petite « sauterie » organisée par Liam Carter. Le regard de ma chasseresse exprimait une profonde déception. Si seulement elle avait su, peut-être n'en serions-nous pas là ? Malgré tout, je préférais ne pas m'attarder sur cette supposition ni sur la déception qui se lisait sur le visage de la demoiselle. « — J'ai effectivement vu Sydney. J'étais avec lui sur le canot de sauvetage. » J'avais délibérément omis de lui mentionner que mon mentor m'avait empêché de sauter à l'eau pour rejoindre le yacht à la nage. Tout comme je choisis de ne pas lui révéler l'inquiétude qui m'avait envahi en la laissant seule sur le bateau. Peut-être était-il préférable ainsi, je suppose.


Une fois de plus, et puisque nous étions enclins à « l'échange » en cette nuit de tempête, nous changeâmes de sujet. Cependant, avec le recul, si j'avais su où cela nous mènerait, peut-être n'aurais-je rien provoqué. Étais-je donc trop naïf pour ne pas anticiper les conséquences ? Ou bien étais-je simplement trop égoïste pour ne voir mon propre désespoir au détriment du sien ? Même si la situation semblait différente (la nôtre), mademoiselle Parker, tout comme moi, était prisonnière du Centre. Et j'étais à l'origine de ce qui pouvait être qualifié de malédiction. C'était de ma faute si elle avait été contrainte de revenir, et à présent, sa vie était presque entièrement dédiée à me capturer. Je me sentais coupable comme jamais auparavant, et surtout, je me détestais de la voir dans un tel état à cause de moi. Et je continuais sûrement à la blesser en prononçant ce prénom qu'elle exécrait tant. Elle se laissa donc rouler sur le côté, plus exaspérée que jamais par cette fatalité qui empoisonnait son existence. Une fatalité dont j'étais l'instigateur malgré moi. Mais que pouvais-je y faire, à part me rendre au Centre ? Et même si je me risquais à le faire, Athena pourrait-elle prétendre à la liberté ? Elle me tourna alors le dos, interrompant ainsi mes pensées. En se plaçant de la sorte, elle évitait mon regard et se libérait de mon « emprise ».


Nos corps étaient frappés par le froid, et pourtant, je ne pouvais me résoudre à rester éloigné d'elle. Alors, sans ajouter un mot de plus, je m'installai derrière elle pour lui apporter la maigre chaleur qui me restait, en enveloppant nos corps avec le plaid qu'elle m'avait confié, un symbole de notre connexion. Malgré tout, je me sentais mal à l'aise et incapable d'ajouter quoi que ce soit d'autre, si ce n'est... « — Je suis vraiment désolé de rendre ta vie si pénible. Sur ce, je pense qu'il est temps de dormir. Alors bonne nuit. » J'adoptai une expression détachée, presque froide, et je me sentais certainement vaincu. Elle ne voulait plus m'entendre, alors à quoi bon insister ?


En pleine tempêteTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon