Chapitre 1

42 4 0
                                    

Oscar

Cette pomme était loin d'être suffisante pour me garder en forme toute la matinée, mais c'était la seule chose comestible que j'avais trouvé dans mon sac à dos. Après avoir loupé pour la énième fois mon réveil, je me retrouve à manger dans le bus complètement essoufflé. Je pose ma tête contre la vitre pour tenter de reprendre mon souffle et soupire lorsque j'aperçois déjà au loin la façade de ma fac. Je finis ma pomme avant même que le bus atteigne mon arrêt tant mon ventre gronde de famine. Et dire que je vais devoir attendre jusqu'à midi, je pense en regardant ma montre qui n'affichait que neuf heures moins dix. Je soupire de nouveau et une fois le bus stoppé, je sors comme une flèche. Je ne peux pas me permettre d'arriver encore à la bourre alors que ça fait deux semaines que j'enchaîne les retards et en semaines de rentrée c'est pas le top. Mais même en cours je n'arrive pas à tenir, mes yeux se ferment sans que je ne puisse les contrôler, je baille sans arrêt... Ce job de nuit va finir par me tuer, ou tuer mes études. Tous les matins c'est le même sketch depuis un an – sauf en période de vacances dieu merci – je bosse tard, je dois travailler en rentrant alors qu'il est minuit passé, et j'ai cours à huit ou neuf heures si je suis chanceux. Je ne m'autorise que rarement à sécher les cours, quels qu'ils soient, parce que personne ne pourrait me les envoyer. Le seul pote à la fac que j'ai est en lettre, autant dire qu'à part les bâtiments en commun, on ne peut pas vraiment s'entraider.

Malheureusement pour moi c'est pas mon fort de m'intégrer aux autres, encore plus lorsqu'on est nombreux, alors me retrouver en amphi avec des centaines de personnes : très peu pour moi. C'est pour ça que cette année je me dois d'être au maximum, car en master de journalisme la promo n'est que de trente six, je ne peux plus me comporter comme avant en amphi et rester terré dans mon coin. J'ai déjà tenté une approche avec l'un des mecs, mais j'ai vite cerné que ça n'allait pas le faire, avec ses airs de monsieur-je-sais-tout.

Je grimpe les escaliers en pierre à toute vitesse et coure à travers les couloirs où les élèves s'amassent déjà. Je trouve enfin ma salle et comme pour le bus j'arrive essoufflé. La boxe ne me suffit plus, il faut que je reprenne le cardio sérieusement. Les gens de ma classe sont déjà tous installés mais heureusement je ne suis pas le seul à être un peu juste niveau horaire. Un garçon métis, que j'avais déjà remarqué de part son air sympathique, me suit de près quand j'entre dans la salle et je l'entends dire à voix basse :

- Je crois qu'on est les derniers.

On se lance un petit sourire avant de s'asseoir à la dernière table au fond. Durant le cours on discute un peu et j'entrevois enfin une chance de pouvoir me faire un pote. À la pause du midi je rejoins Liam qui vient lui aussi de terminer sa matinée. Il me parle en grec pour rire de mon incompréhension comme c'était son cours du matin et je me demande comment il a pu choisir lettre classique dans ses vœux. On se dirige à pieds vers le RU, heureusement pour moi que ce système existe sinon je crois que je ne mangerais pas beaucoup, et on fait tranquillement la queue en discutant. Mon train-train est bien rôdé depuis mon entrée à la fac mais ce n'est que cette année que je m'avoue réellement qu'il ne me plaît plus tant que ça. L'ennuie et la routine me pèse on peut dire. Je passe à côté de tellement de choses.

Liam ne peut s'empêcher de me raconter ses histoires de cœur – ou rectification de cul plutôt – mais ça me fait rire et en même temps ça me fait penser que ça fait un moment que je n'ai pas fréquenté de filles. Vraiment ennuyeuse ma vie. Pourtant c'est pas faute de flirter tous les soirs avec une fille différente au Dream Club, le bar  et boîte de nuit où je bosse de vingt et une heure à vingt trois heures tous les soirs en tant que serveur. Mais il faut dire que pour conclure avec ces filles-là, faut avoir du cran. La plupart sont des filles de riches et ces derniers traînent dans les zones de poker dans les étages supérieurs. Je préfère éviter les problèmes et rester seule que de me faire casser la gueule par ses gardes du corps. Même si ça serait sûrement eux qui se ferait casser la gueule, ou peut-être un petit combat à égalité ça pourrait être intéressant. Tandis que je m'imagine un combat à mains nues avec l'un des gorilles d'un des riches du club, je n'écoute plus Liam qui me raconte sa nuit torride avec sa belle blonde. C'est pas plus mal en réalité.

L'effet coyoteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant